Le Parc Industriel de Caracol au regard de l’ « accumulation primitive[1] du capital » par expropriation
Par Mozart SAINT FLEUR, Sociologue
"Dans l'histoire de
l'accumulation initiale, les moments qui font époque sont tous les
bouleversements qui servent de leviers à la classe capitaliste en
formation ; mais surtout ce sont les moments où de grandes masses d’hommes
ont brusquement et violemment été arrachés à leurs moyens de subsistance et
jetés, prolétaires hors-la-loi, sur le marché du travail. La base de tout ce
processus, c’est l’expropriation hors de sa terre du producteur rural, du
paysan. Son histoire prend de colorations différentes selon le pays et parcours
les différentes phases dans un ordre de succession différent et à des époques
historiques différentes (Marx [1983]
1993] : 806)."
Introduction
Voulant contribuer à la décentralisation du pays, à la
dynamisation de la croissance économique à
travers la création d’emplois dans les zones les plus vulnérables tout
apportant une réponse à la situation économique à laquelle fait face la société
haïtienne après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, le Gouvernement
haïtien et ses partenaires, tels que le Gouvernement américain, la Banque
Interaméricaine pour le Développement (BID) ont signé un accord visant à créer
un Parc Industriel dans le Nord-Est du pays, notamment sur l’habitation de
Chabert à Caracol (UTE[2], 2011
; Shamsie, 2014). Ce terrain qui appartenait
à l’État haïtien s’installe sur une superficie de 246 hectares et était
consacré exclusivement à la production vivrière et occupé par un grand nombre
d’exploitants. Sur la demande des autorités étatiques du pays, les paysans qui
y habitaient et y cultivaient étaient obligés de libérer l’espace pour la
construction d’un Parc, dénommé Parc Industriel de Caracol (PIC). La transformation
de ce terrain qui était essentiellement agricole en un Parc Industriel semble
n’être pas sans conséquences sur les habitants
qui y non seulement habitaient, mais aussi et surtout y travaillaient. Cette
transformation de ce terrain en un Parc Industriel semble n’être pas sans
conséquences sur l’environnement. Ainsi, dans cet article, nous allons essayer
de comprendre cette transformation au regard du concept de l’accumulation primitive du capital et notamment de l’accumulation par expropriation tel
qu’élaboré par le sociologue Allemand Karl Heinrich Marx, dit Karl Marx, dans le
Livre I de son œuvre-maitresse, à
savoir Le capital : Critique de
l’économie politique, laquelle est considérée
comme une approche scientifique de l’économie capitaliste, pour utiliser
l’expression de Jacques Gouverneur (2005).
Tentative historicité du projet
de construction du Parc Industriel de Caracol
Le 11 janvier 2011, à lire un document officiel titré Le gouvernement haïtien et ses partenaires :
Vers la livraison d’un Parc Industriel Fonctionnel en 2012 et publié en
2011, un accord a été conclu entre le
Gouvernement d’Haïti (GoH), le Gouvernement des Etats-Unis (USG) ainsi que la
Banque Interaméricaine de Développement (BID). Lequel accord opte pour la
construction d’un parc industriel dans la Région Nord d’Haïti avec la SAE-A
Trading Co. Ltd., principal fabricant de vêtement Coréen, comme locataire
principal. Ainsi, des investissements ont été consentis par chacun des
signataires. Sur une période de six ans, les signataires sont d’avis que le
Parc permettra de créer 20,000 emplois permanents directs, uniquement par le
biais de l’investissement de SAE-A et a un potentiel de création de 65,000
emplois directs. Ainsi, la construction de ce dit Parc, nous dit le document précité,
est en parfaite adéquation avec la priorité de décentralisation des activités
économiques identifié par le Gouvernement haïtien. Donc, elle contribuera à la
croissance et à une répartition géographique plus équilibrée des emplois.
Analysant ce mégaprojet, Shamsie (2014) signale qu’avant
le séisme du 12 janvier 2010, des investisseurs dominicains et coréens avaient
déjà montré un intérêt pour l’industrie d’exportation de vêtements en Haïti.
Selon l’auteure, les investisseurs étrangers étaient attirés non seulement par
le coût du travail le plus bas de l’hémisphère, mais aussi et surtout par la
proximité de l’accès préférentiel au
marché américain. Aussi, l’auteure signale qu’aux yeux des concepteurs de ce
parc, celui-ci participera dans un processus de décentralisation économique. Lisons
plutôt les propos de l’auteure :
Bien que la construction du Parc Industriel de Caracol
fût déjà au stade de la planification avant le séisme, la construction a donné
à ses soutiens internes et étrangers une impulsion supplémentaire à la mise en
œuvre du projet, étant donné qu’il créerait de l’emploi hors de la capitale.
Ses défenseurs croyaient aussi qu’en redirigeant le développement économique
hors région de la capitale, ce mégaprojet commencerait à remplir un objectif de long terme de décentralisation
économique (Shamsie, 2014).
En gros, suivant l’objectif déclaré, le mégaprojet de la
construction du Parc Industriel de Caracol semble s’inscrire dans le cadre de
la décentralisation économique. Autrement dit, voulant décentraliser le pays, l’État
haïtien et ses partenaires, ont conçu le parc pouvant créer des emplois à longs
ou à moyens termes. Maintenant, essayons brièvement de présenter géographiquement
et économiquement le site.
Présentation
géographique et économique du site
Situé à Chabert, section communales Champing et Glaudine
dans la Commune de Caracol dans une petite commune rurale de 18,000 habitants,
le site du Parc est traversé par la Rivière du Trou du Nord se jetant dans la
baie de Caracol. Le sol sur lequel est construit ce Parc, selon l’Unité
Technique d’Exécution (UTE) (2011 : 20), est de bonne qualité pour la
production agricole et réputé pour sa capacité à produire du haricot, du maïs,
de la banane et d’autres vivriers. Bien qu’elle
soit la propriété du gouvernement haïtien, ajoute l’UTE (2011 : 20),
cette portion de terre était consacrée spécifiquement à la production vivrière
et occupée par une importante portion de la population qui exploite cette
terre. Ainsi, la population de cette localité et de ses environs vivaient de
l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de la fabrication de charbon de bois,
de la fabrication et de la commercialisation du sel marin, de petits commerces,
etc. Toutefois, selon Shamsie (2014), des études qui ont été faites prouvent
que le gouvernement haïtien avait d’autre choix. Donc, le fait de choisir
Caracol, relève d’un acte géostratégique, à savoir la proximité du site avec la
frontière dominicaine. De plus, selon l’auteure, déplacer les habitants sur des
terres fertiles pour la construction des Parcs Industriels, n’est pas nouveau.
Autrement dit, l’expropriation effrontée des paysans semble n’être pas nouvelle
dans l’historiographie haïtienne. Sans avoir aucune prétention de présenter
exhaustivement l’historique d’une telle pratique, Shamsie (2014) souligne qu’
« en 2001-2002, le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide avait déjà
déplacé un grand nombre de paysans de la plaine de Maribahoux, les forçant
ainsi à quitter des terres fertiles pour construire la ZTE CODEVI de
Ouanaminthe. Le pire dans tout cela, c’est que la décision sur la construction
du Parc est prise sans la consultation des élus locaux ni la communauté locale.
De plus, l’État rejette toujours « les objections et les mobilisations de la
société civile afin de remplir sa mission » (Shamsie, 2014). Le gouvernement
aurait pu montrer son engagement à investir à long terme dans les capacités
productives et de marketing de la paysannerie du pays en choisissant un site
différent. De là, laisse entrevoir l’inadéquation existant entre l’objectif
manifeste de l’État qui veut faire croire que la construction du Parc entre
dans ce qu’il appelle un projet de décentralisation et la réalité concrète.
Car, comment faire une vraie décentralisation sans aucune consultation des
autorités locales ? D’où le caractère centralisateur de l’État haïtien.
Après avoir essayé de présenter géographiquement et économiquement
le site, voici venu le temps d’analyser ce mégaprojet, comme nous l’avons déjà
dit plus haut, au regard de l’ «
accumulation primitive du capital » telle que conçu par Marx, dans son
texte intitulé Le Capital : Critique
de l’économie politique’’. Mais, avant d’aller plus, essayons de présenter
le concept de l’accumulation primitive du
capital.
Tentative
d’une genèse du capital
Commençons pour dire que, selon Karl Marx (Marx [1983] 1993]), « la structure économique de la société capitaliste
est issue de la structure économique de la société féodale» (Marx [1983]
1993]: 805). En effet, selon
l’auteur, « c’est la dissolution de cette dernière », en l’occurrence
la société féodale, « qui a libéré ses éléments » (Marx [1983] 1993]
: 805). Ainsi, contrairement aux
autres systèmes économiques précédents, le système capitaliste a pour épine
dorsale l’accumulation du capital, c’est-à-dire l'utilisation de la
plus-value ou de la survaleur comme capital ou la retransformation de la plus-value
ou de la survaleur en capital. C’est ainsi que Marx nous dit que « la première
condition de l'accumulation est que le capitaliste ait réussi à vendre ses
marchandises et à retransformer en capital la majeure partie de l'argent ainsi
obtenu » (Marx [1983] 1993]: 633). Autrement dit, l’accumulation requiert la transformation en capital une
partie de la survaleur ou de la plus-value. Donc, selon Marx, non seulement la survaleur ou la plus-value sort
du capital, mais, le capital, lui aussi, sort de la survaleur ou de la plus-value
(Marx [1983] 1993] : 649). Autrement
dit, pour Marx, l’accumulation du capital c’est quand le capital initial ou primitif rapporte une survaleur ou une plus-value et que cette survaleur
ou cette plus-value n’est pas
consommée, mais plutôt capitalisée et se forme un nouveau capital qui,
lui-aussi, rapporte une survaleur ou
une plus-value, etc. Donc, pour Marx, l’accumulation du capital
est comme la vielle histoire selon laquelle « Abraham a engendré
Isaac, Isaac a engendré Jacob, etc. » (Marx [1983] 1993] : 652).
Aux yeux de Marx, l’accumulation initiale du capital « joue
dans l’économie politique à peu près le même rôle que le péché originel en
théologie. Adam a mordu la pomme et le péché s’est abattu sur le genre humain »
(Marx [1983] 1993]
: 804). L’auteur
avance pour dire qu’« on en explique l'origine en la racontant comme une
anecdote du temps passé » (Marx [1983] 1993] : 804). Lisons cette anecdote :
Il était une fois, il y a bien
longtemps de cela, une élite laborieuse d'un côté, intelligente et avant tout
économe, et de l’autre, une bande de canailles fainéantes, qui gaspillaient
sans compter les biens de cette élite. La légende religieuse de la chute
théologique nous raconte, il est vrai, comment l’homme fut condamné à gagner
son pain à la sueur de son front ; l’histoire du péché originel économique, en
revanche, nous révèle pourquoi il est des gens qui n’en ont nul besoin (Marx [1983] 1993] : 804).
D’où, selon cette
anecdote, la naissance de deux classes sociales antagoniques où les unes
accumulèrent de la richesse et les autres n’eurent en définitive rien d’autre à
vendre que leur peau (Marx [1983] 1993] : 804). C’est, selon Marx, de cette
anecdote qu’il qualifie d’ailleurs de « puérile » et
« insipide », que « datent la pauvreté de la grande masse qui,
en dépit de tout son travail, n’a toujours rien d’autre à vendre qu’elle-même »,
ainsi que « la richesse de quelques-uns, qui croît continuellement, bien
qu’ils aient depuis longtemps cessé de travailler » (Marx [1983] 1993]
: 804-805). En bref, aux dires de Marx, « pour
transformer de l'argent en capital, il ne suffisait pas qu'il y ait production
de marchandises et circulation de marchandises », mais plutôt, « il
fallait d'abord quelqu'un qui possède de la valeur ou de l’argent, et quelqu'un
qui possède de la substance créatrice de valeur », c’est-à-dire « un
possesseur de moyens de subsistances et de moyens de production, et un
possesseur de force de travail (et de rien d'autre) » (Marx [1983] 1993]
: 640). D’autant
plus, « il fallait qu'ils se trouvent l'un en face de l’autre, l’un en
tant qu'acheteur, l'autre en tant que vendeur » (Marx [1983]
1993] : 640).
Donc, après avoir tenté, de manière laconique, de présenter
la genèse du capital tout en définissant le concept de l’accumulation du
capital, essayons maintenant de voir le lien qui pourrait bien exister entre la
construction du Parc Industriel de Caracol et l’ « accumulation primitive du capital » dont parle l’auteur de Manuscrit de 1844 : Économie politique
et philosophie. Car, à notre avis, l’indifférence des concepteurs du Parc
Industriel de Caracol vis-à-vis des
paysans qui exploitaient l’espace est quasiment semblable à la description que
nous faite Marx de ce qui se passait en Angleterre à la fin du XIVème
siècle, date marquant la disparition de fait du servage et l’avènement du
système capitaliste.
La
construction du Parc et l’ « accumulation
primitive du capital »
Dans son texte Le
Capital : Critique de l’économie politique, Marx raconte le sort de de
certains ouvriers en Angleterre. Lesquels, aux dires de Marx, ont été
expropriés de manière effrénée. Cette description que faite Marx de ce qui
s’était passé en Angleterre, comme nous l’avons dit plus haut, est quasi
semblable à ce qui s’est passé dans le Nord d’Haïti, notamment à Caracol. Pour
expliquer le sort de ces ouvriers, Marx (Marx, [1983] 1993) fait appelle Harrison
qui, lui, notamment dans son
texte intitulé Description
of England. Prefixed to Holinshed's Chronicles[3] »,
raconte « comment l'expropriation des petits paysans a ruiné le
pays » (Harison [1577] (1587)
cité par Marx (Marx, [1883]
1993 : 908). Aux dires de Harison,
selon ce que rapporte Marx, « les habitations des paysans et les cottages des ouvriers furent rasés de
manière violente ou condamnés à tomber en ruine » (Marx, [1883]
1993 : 908). D’autant plus, les paysans étaient sauvagement expropriés par
les capitalistes de l’époque pour faire des parcs à moutons. Lisons plutôt
Harison:
« Si l'on veut comparer », dit Harrison, « les anciens
inventaires de chaque domaine seigneurial, on découvrira qu’un nombre
incalculable de maisons et de petites exploitations paysannes a disparu, que la
terre nourrit beaucoup moins de gens, que de nombreuses villes ont périclité,
bien qu’il en prospère quelques autres…Quant aux villes et aux villages pour
faires des pacages à moutons et où seules les demeures des seigneurs sont
restés debout, j’en aurais long à raconter (Harison [1577]
(1587) cité par Marx [1983] 1993) : 809).
Rappelons que l’une des conséquences majeures de la construction
du Parc Industriel de Caracol est de rendre 246 hectares de terre relativement
fertile indisponible pour l’activité de la production agricole, laquelle
activité était pratiquée par environ 366 familles réparties sur 411 parcelles
(UTE, 2011 :13 ; Shamsie, 2014). Cela implique que le système capitaliste ne
tient pas compte des multiples problèmes que peuvent confronter ces habitants
après leur expropriation. Sur ce, Marx nous dit que le propre du système
capitaliste est le dépouillement des masses de leurs moyens de production tout
en les laissant à l’improviste sur le marché du travail (Marx [1983] 1993] : 806). Néanmoins, ajoute Marx, l’expropriation des
cultivateurs reste la pierre angulaire de toute cette évolution. Lisons plutôt
le propos de l’auteur:
Dans l'histoire de l'accumulation initiale, les moments
qui font époque sont tous les bouleversements qui servent de leviers à la
classe capitaliste en formation ; mais surtout ce sont les moments où de
grandes masses d’hommes ont brusquement et violemment été arrachés à leurs
moyens de subsistance et jetés, prolétaires hors-la-loi, sur le marché du
travail. La base de tout ce processus, c’est l’expropriation hors de sa terre
du producteur rural, du paysan. Son histoire prend de colorations différentes
selon le pays et parcours les différentes phases dans un ordre de succession
différent et à des époques historiques différentes (Marx [1983] 1993] : 806).
Cela nous donne une idée que les conséquences majeures de
l’expropriation des paysans par les capitalistes (industriels), notamment à
Caracol sont souvent ignorés, voire banalisées par les capitalistes mêmes qui
ne voient que l’accumulation de leurs capitaux. L’auteur du Manifeste du Parti Communiste avance que
« ce prolétariat sans feu ni lieu, privé de toute protection juridique, chassé
de son terroir par la dissolution des suites féodales et par des expropriations
violentes et successives, ne pouvait en aucune manière être absorbé par les
manufactures naissantes aussi rapidement qu’il avait été engendré (Marx [1983] 1993] : 825). D’autant plus, « ces hommes brusquement arrachés
au déroulement habituels de leur existence, ne pouvaient se faire aussi
brusquement à la discipline de leur nouvel état (Marx [1983] 1993] : 825). D’où leur transformation massive « en
mendiants, voleurs, vagabonds, partie par vocation, mais le plus souvent sous
la pression des circonstances » (Marx [1983] 1993] : 825).
Le pire, nous dit Marx (Marx [1983] 1993]), c’est qu’à la fin du XVème siècle et pendant
tout le XVIème surgit dans toute l’Europe Occidentale « une
législation draconienne et sanglante contre le vagabondage » (Marx [1983] 1993] : 826). C’est ainsi que, nous dit l’auteur, « les pères
de l’actuelle classe ouvrière ont commencé par être châtiés pour la
transformation, qu’on leur avait imposée, en pauvres et en vagabonds» (Marx [1983] 1993] : 826). Ainsi, « la législation[4]
les traita en malfaiteurs « de plein gré », alléguant qu’il dépendait
de leur seul bon vouloir qu’ils continuassent à travailler dans les conditions
anciennes », alors qu’en réalité, aux dires de l’auteur, « celles-ci
n’existaient plus » (Marx [1983] 1993]
: 826). Donc, tout se passe comme s'il
n'était survenu aucun changement dans les modes de vie des expropriés. Tout se
passe comme s’il était facile pour les expropriés d’intégrer le nouveau
système.
Les misères auxquels font face les expropriés dans
l’Ouest de l’Europe ainsi que la triste description que fait d’eux la
législation de l’époque, laissent entrevoir le comportement ultra cynique des
capitalistes vis-à-vis des expropriés ainsi que le caractère injuste de la justice
de l’époque. Laquelle justice veut faire croire que les expropriés sont
volontairement choisis de devenir vagabonds et pauvres. Tout se passe comme si le
vagabondage et la pauvreté auxquelles font face ces dépossédés étaient quelque
chose de naturel, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas la résultante de leur
expropriation violente. En
Haïti, qui sait combien d’honnêtes gens qui, après avoir été expropriés de l’espace
sur lequel est érigé le Parc Industriel de Caracol, sont tombés dans la mendicité,
dans le vol ou dans le vagabondage? Qui sait combien de gens qui, après avoir
tombé dans le chômage, soit parce qu’ils sont incapables d’intégrer le nouveau
système (fautes de connaissances dans la manipulation des machines), soit parce
qu’ils ne sont pas sélectionnés, après leur expropriation, sont déjà jetés dans
les prisons pour avoir commis de vols? Ces questions sont aussi valables pour
d’autres expropriés-es dans l’historiographie haïtienne. Pourtant, jusque-là, aucune
littérature scientifique qui nous est à la portée ne nous permet de répondre à
ces interrogations.
Contrairement
à ce que pensent les historiographes bourgeois, la transformation des
producteurs en salariés n’est, aux yeux de Marx, ni le fruit d’une supposition ni
un certain affranchissement de la servitude et de la loi des corporations. Cette
transformation, dit Marx, « est inscrite dans les annales de l’humanité en
caractères de sang et de feu ». Lisons de préférence l’auteur :
Le mouvement historique qui transforme les producteurs en salariés apparaît ainsi,
d’un côté, comme leur affranchissement de la servitude et de la loi des
corporations, et c’est ce côté seul que retiennent nos historiographes
bourgeois. Mais, de l’autre côté ces affranchis de fraîche date ne deviennent
vendeurs d’eux-mêmes qu’après avoir été dépouillés de tous leurs moyens de
production et de toutes les garanties qu’offraient pour leur existence les anciennes
institutions féodales. Et l’histoire de cette expropriation est inscrite dans
les annales de l’humanité en caractères de sang et de feu (Marx [1983] 1993] : 805).
Marx avance pour dire que « l’expropriation et
l’expulsion d’une partie de la population rurale ne font pas que libérer pour
le capital industriel les ouvriers et leurs moyens de subsistance et matière de
travail » (Marx [1983] 1993]
: 839). À son avis, elles [l’expropriation et l’expulsion] « créent
aussi le marché intérieur » (Marx [1983] 1993]
: 839). « Auparavant »,
dit-il, « la famille paysanne produisait et façonnait elle-même les moyens
de subsistance et les matières premières, qu’elle consommait ensuite pour la
plus grande part », mais avec l’expropriation et l’expulsion des
travailleurs, « ces matières premières et ces moyens de subsistance sont
devenus désormais des marchandises » (Marx [1983] 1993] : 839).
Car, « le gros fermier les vend et c’est dans les manufactures que qu’il
trouve son marché » (Marx [1983] 1993]
: 839).
Marx est convaincu que ce qui gît au fond de
l'accumulation initiale du capital, notamment au fond de sa genèse historique,
c'est l'expropriation du producteur immédiat, c'est-à-dire « la
dissolution de la propriété privée fondée sur le travail personnel » (Marx [1983] 1993] : 854). Sur ce, l’auteur fait une triste description de
l’expropriation des producteurs immédiats ainsi que l’exploitation des paysans par
la propriété privée capitaliste. Voilà ce que nous dit l’auteur en ces propres
mots :
L'expropriation des producteurs immédiats s'accomplit
avec le vandalisme le plus impitoyable et sous l’impulsion des passions les
plus infâmes, les plus viles, les plus mesquinement haïssables. La propriété privée
acquise par le travail, fondée pour ainsi dire sur l’unité intrinsèque du
travail, comme individualité singulière et indépendante, et de ses conditions
de travail, est supplantée par la propriété capitaliste, laquelle est fondée
sur l’exploitation du travail d’autrui mais formellement libre (Marx [1983] 1993] : 855).
Aussi, Marx croit fermement qu’il est venu le temps
d’exproprier le capitaliste, lui-même. Il nous dit que « ce qu’il faut exploiter désormais, ce n’est plus le
travailleur travaillant en économie propre pour son compte, mais le capitaliste
qui exploite un grand nombre de travailleurs » (Marx [1983] 1993] : 856). « Cette expropriation », avance-t-il, « s'accomplit par le jeu
des lois immanentes de la production capitaliste elle-même », lesquelles
aboutissent à la « concentration des capitaux » (Marx [1983] 1993] : 856).
Lisons ce long paragraphe de l’auteur :
À mesure que diminue régulièrement le nombre de
magnats du capital qui usurpent et monopolisent tous les avantages de ce procès
de mutation continue s’accroît le poids de la misère, de l’oppression, de la servitude,
de la dégénérescence, de l’exploitation, mais aussi la colère d’une classe
ouvrière en constante augmentation, formée, unifiée, et organisée par le
mécanisme même du procès de production capitaliste. Le monopole du capital
devient une entrave au mode de production qui a mûri en même temps que lui et sous
sa domination. La centralisation des moyens de production et la socialisation
du travail atteignent un point où elles deviennent incompatibles avec leur enveloppe
capitaliste. On l’a fait sauter. L’heure de la propriété privée capitaliste a
sonné. On exproprie les expropriateurs (Marx [1983] 1993] : 856).
De là, laisse entrevoir que, aux yeux de Marx, le système
capitaliste crée sa propre « négation », donc son propre abîme. Toutefois, c’est avec une ironie mordante que Marx
décrit la splendeur de la production capitaliste qui, à ses yeux, ne cesse de
faire naître des salariés en surnombre. Sur ce, il nous dit que
« la grande beauté de
la production capitaliste consiste en ceci que non seulement elle reproduit en
permanence le travailleur salarié dans son être de salarié », mais aussi
« qu’elle produit toujours, par rapport à l’accumulation du capital, une
surpopulation relative de travailleurs salariés» (Marx [1983] 1993] : 862-863). Après avoir brièvement présenté le rapport
existant entre le projet de construction du Parc Industriel de Caracol à la
lumière de « l’accumulation primitive du capital », nous allons tenter,
d’une part, de voir les couches sociales les plus touchées par ce projet et,
d’autre part, certaines conséquences négatives qu’il peut engendrer.
Les couches sociales affectées
par la construction du Parc
Que ce soit directement ou indirectement, toutes les couches
sociales du pays sont affectées par cette construction. Mais, les couches les
plus touchées restent et demeurent principalement les gens qui pratiquaient
l’agriculture et habitaient l’espace transformé en Parc Industriel. Ceux qui
sont chanceux, c’est-à-dire recrutés par les capitalistes dudit site, sont
obligés de tomber dans le salariat. Ceux qui ne sont pas chanceux, quant à eux,
chassés et dépossédés, ils sont sujets à l’oisiveté, à la mendicité et/ou au
vol. Sur ce, l’UTE (2011) note que les études foncières et socioéconomiques y
compris les enquêtes sur l’habitation
montrent clairement que les groupes et/ou les familles des Personnes
Affectées par le Projet (PAP) sont très exposés aux risques d’exclusion et de
marginalisation à cause de la perte du lopin de terre qu’ils cultivaient dans
la localité en question (UTE, 2011 : 25).
D’autant plus, l’expropriation des paysans peut avoir une
forte conséquence migratoire. Sur ce, Marx et Engels (Marx & Engels, 1848), notamment dans le Manifeste
du Parti Communiste, nous disent que « la bourgeoisie a
prodigieusement augmenté les chiffres de population des villes par rapport à la
campagne, et, par-là, elle a arraché une partie importante de la population à
l'abrutissement de la vie des champs » (Marx & Engels, 1848 : 11).
La bourgeoisie « a supprimé la
dignité de l'individu devenu simple valeur d'échange », car, « aux innombrables libertés dûment
garanties et si chèrement conquises, elle a substitué l'unique et impitoyable
liberté de commerce » (Marx & Engels, 1848 : 10).
Shamsie (2014) signale, à propos de la construction du
Parc Industriel de Caracol, qu’ « une fois que la décision prise
concernant le lieu, le gouvernement [haïtien] s’est occupé non seulement d’obtenir le soutien et
l’acceptation de la population, mais aussi l’acceptation de la communauté
environnante tout en dispersant la résistance ». L’auteure avance que « la
capacité reconnue de l’État haïtien a semble-t-il aussi joué un rôle dans
l’obtention de l’acceptation du mégaprojet ». Ainsi, Shamsie (2014) rapporte que,
selon un membre du Mouvement paysan pour le progrès de Caracol (Mouvman Peyizan
pou Avansman Karakol, MOPAK), l’envoyé
du gouvernement a dit ceci aux résidents : « Que vous l’acceptiez ou pas, ils
vont prendre vos terres, si vous résistiez, vous pourriez mourir ».
De plus, le gouvernement haïtien n’a pas tenu ses
promesses envers les expropriés. Sur ce, Shamsie (2014) rapporte les propos suivants :
Ils ont dit que
les paysans qui avaient perdues des terres et avaient des enfants en âge de
travailler obtiendraient des emplois. Mais ils n’ont rien eu. Ils ont dit que
si les gens déplacés avaient 50 ou 60 ans, qu’ils ne pouvaient pas travailler,
ou que leurs enfants ne pouvaient pas travailler, qu’on leur donnerait un
logement. Mais ils n’ont rien eu. Le nombre de gens qui travaillent dans le
parc industriel et qui viennent de Caracol ne représente pas 3 du total des
travailleurs (Propos recueillis par Yasmine, 2014).
Cette position, dirions-nous impitoyable, de l’État
vis-à-vis des paysans sauvagement dépossédés, nous rappelle avec justesse
l’inapplication de la loi de Henri VII souligné par Marx (Marx, [1983] 1993) en
Angleterre. Selon ce que rapporte Marx, en dépit de l’interdiction que fait la
loi de Henri VII concernant la démolition de toute maison de paysan avec
attenance d'au moins vingt acres de terre, laquelle loi était renouvelée dans une loi de la vingt-cinquième année du
règne d'Henri VIII, « la
législation contre l’expropriation des petits fermiers et paysans, législation
pendant 150 ans depuis Henri VII, ne fut pas plus suivie d’effet que les
doléances populaires » (Marx, [1983] 1993 : 810).
De plus, l’indemnité que l’État a proposé aux déplacés se
révèle être insuffisante. Sur une douzaine de familles paysannes interviewées
par une organisation dénommée Ayiti Kale
Je (AKJ), tous les expropriés ont fait remarquer que l’indemnité se révèle
insuffisante, et certains d’entre eux n’arrivent même pas à assurer l’écolage
de leurs enfants[5].
Néanmoins, en dépit de tous
les dégâts causés là où il s’est installé, le système capitalisme, selon Karl Marx
et Engels, disparaîtra forcément un jour. C’est
ainsi qu’ils nous disent que « les armes dont la bourgeoisie s'est servie
pour abattre la féodalité se retournent aujourd'hui contre la bourgeoisie
elle-même » (Marx & Engels, 1848 : 13). Cependant, les co-auteurs
avancent pour dire que « la bourgeoisie n'a pas seulement forgé les armes
qui la mettront à mort: elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes
- les ouvriers modernes, les prolétaires » (Marx & Engels, 1848 :
13). La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie commence avec son existence
même (Marx & Engels, 1848 : 14). Laquelle lutte, aux yeux de Marx et
Engels, « est d'abord engagée par des ouvriers isolés, ensuite par les
ouvriers d'une même fabrique, enfin par les ouvriers d'une même branche
d'industrie, dans une même localité, contre le bourgeois qui les exploite
directement » (Marx & Engels, 1848 : 14). D’autant plus, « ils
[les ouvriers] ne dirigent pas leurs attaques contre les rapports bourgeois de
production seulement: ils les dirigent contre les instruments de production
eux-mêmes » (Marx & Engels, 1848 : 14). Aussi, « ils détruisent les marchandises
étrangères qui leur font concurrence, brisent les machines, mettent le feu aux
fabriques et s'efforcent de reconquérir la position perdue de l'ouvrier du
moyen âge » (Marx & Engels, 1848 : 14). Car, selon ces deux
auteurs, « de toutes les classes qui, à l'heure actuelle, s'opposent à la
bourgeoisie, seule le prolétariat est une classe vraiment révolutionnaire ».
« Les autres classes périclitent et disparaissent avec la grande
industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique »
(Marx & Engels, 1848 : 16).
Donc, « le
prolétariat de chaque pays doit, bien entendu, en finir avant tout avec sa
propre bourgeoisie » (Marx & Engels, 1848 : 17). C’est ainsi que
dans la conclusion du Manifeste du Parti Communiste, Marx et Engels notent que
« les prolétaires n'ont rien à y perdre que leurs chaînes », donc, « ils
ont un monde à gagner » (Marx & Engels, 1848 : 39). D’où la
nécessité d’une révolution qui sera complètement abolie la propriété privée et
la division du travail. D’où l’avènement de la société communiste. Car, selon
les co-auteurs, contrairement à la société capitaliste qui, avec la division du
travail, enferme l’homme dans un champ d’activité spécifique, dans la société
communiste[6], chacun peut se former
dans n’importe quelle branche d’activité qui lui plaît (Marx, [1845] 1846 cité
par Rubel, [1965] 1982 : 321). Toutefois, pensent-ils, pour passer à cette société communiste, l’État,
communauté illusoire, doit jouer pendant un certain temps son rôle d’être le
seul propriétaire des moyens de production avant d’arriver à un stade ou l’État
dépérit (Marx, [1845] 1846 cité par Rubel, [1965] 1982 : 321). Ce qui veut dire que Marx et Engels ne sont
pas pour une disparition brusque de l’État, mais ils sont plutôt pour une
disparition graduelle.
Après avoir passé en revue
la conception de Marx et son ami Engels sur les effets pervers du système
capitaliste, nous allons essayer de présenter brièvement une confrontation
d’idée qui a vu le jour au sein de la
société haïtienne vers la seconde moitié du XIXème siècle entre deux
auteurs haïtiens dont l’un optait pour l’agriculture
et l’autre l’industrie.
Une Haïti
cultivée ou industrialisée?
En Haïti, le débat autour de l’industrie et de
l’agriculture n’est pas nouveau. Ce débat semble dater du XIXème
siècle. Ces deux auteurs sont Démesvar Delorme et Edmond Paul. Le premier était
opté pour l’agriculture, alors que le second l’industrie.
La
conception de Démesvar Delorme de l’agriculture
S’accentuant sur l’histoire du pays, un pays
essentiellement agricole, pour Delorme, si l’on veut réellement mettre le pays
sur le rail du développement, le gouvernement doit impérativement être un gouvernement
agricole. Sur ce, il nous dit, sans faire des faux-fuyants, qu’
un bon gouvernement en Haïti, doit être pour ainsi dire
un gouvernement agricole, c’est-à-dire un gouvernement ne pensant le jour, ne
songeant la nuit, qu’à faire aimer au peuple le travail des champs comme la
condition même de son existence» (Delorme, [1873]2003 : 11).
L’auteur de Réflexions
diverses sur Haïti : Misères au sein des richesses avance pour dire
que «toute la mission d’un gouvernement dans ce pays se résume en deux mots :
développer la production» (Delorme, [1873]2003 : 22). C’est ainsi qu’il conclut
en insistant encore et encore sur l’impérieuse nécessité de recourir foncièrement
à l’agriculture pour sauver le pays du « mal développement » auquel
il se trouve confronter depuis son accession à l’indépendance. Certes, l’auteur
n’ignore pas l’importance de l’industrie dans le « développement » du
pays, mais, à ses dires, aucun pays n’a commencé sa civilisation que par
l’agriculture. Lisons plutôt l’auteur :
Ce qu’il nous faut en Haïti, dans la situation où nous
sommes, c’est évidemment, sous tous les rapports et pour toutes les raisons, de nous occuper activement de l’agriculture.
Certes, l’industrie et la manufacture ne sont pas incompatibles avec les
conditions géographiques d’aucun pays ; mais aucun pays non plus n’a commencé
sa civilisation autrement que par l’agriculture (Delorme, [1873]2003 :106-107).
Alors que pour Edmond Paul, le
« développement » du pays requiert le travail industriel. Ainsi, il nous
dit qu’« il ne serait donc, à cette heure, exister une plus suprême nécessité
que celle de la reprise du travail
industriel[7]»
(Paul, [1896] 2004 : 20). De plus, poursuit l’auteur, « […] s’il faut
traduire en termes aussi trivials qu’énergiques le caractère pressant de notre
besoin, nous dirons qu’il faut que le peuple se chausse et se culotte lui-même[8]
» (Paul, [1896] 2004 : 21). L’auteur enchaine pour dire que « la
seule exécution, il faut le dire, des travaux publics ne supplée point à
l’absence de l’industrie chez n’importe quel peuple » (Paul, [1896]
2004 : 21).
En bref, les deux auteurs que nous venons de passer en
revue nous permettent de conclure que le débat autour travail agricole et de
celui industriel au sein de la société haïtienne ne date pas d’hier. Toutefois,
il est à souligner que, contrairement à ce que font les concepteurs du Parc
Industriel de Caracol, ni Démesvar Delorme ni Edmond Paul ne parlent d’expropriation
brutale des paysans.
En guise de conclusion
Il en résulte de toutes les analyses précédentes que,
dans ses analyses du « mode de production capitaliste ainsi que les
rapports de production et d’échange qui lui correspondent », Karl Marx dévoile
des choses cachées et souvent refoulées, pour utiliser un langage bourdieusien.
En ce sens, Marx rejoint Bourdieu. Passons ! Donc, en expropriant les
paysans, les capitalistes s’enrichissent alors que les expropriés, eux-mêmes,
s’appauvrissent. Se trouvant dans l’incapacité à subvenir correctement à leur
besoin, voire aux besoins de leurs familles, les expropriés, généralement ceux
habitant le pays en dehors, végètent
dans la misère. De plus, certains
d’entre eux se sont obligés de vendre leur force de travail en devenant des
salariés. D’autres, incapables de s’adapter au nouveau système, sont sujets à
l’oisiveté, à la mendicité, au vol, etc. En ce sens, les capitalistes ignorent
les graves conséquences de l’accumulation, notamment de l’accumulation par
expropriation. Tout ce qui les intéressent, c’est tout simplement l’accroissement
de leurs capitaux, et ce, au détriment de l’environnement ainsi que de l’avenir
des exploités. Le rapport
officiel existant entre le capitaliste et le salarié est d'un caractère, comme
diraient Marx et Engels, purement et simplement mercantile. Toutefois, malgré l’importance
capitale de la théorie marxiste dans la compréhension de la construction du
Parc Industriel de Caracol, il est important de souligner que cette théorie a
été élaborée dans et pour une société donnée ainsi que dans et pour une époque
donnée. Donc, on ne doit pas la prendre de manière aveugle et la place dans la
société haïtienne sans aucune restriction. Car, toute théorie à sa limite.
Bien que, comme l’ont si
bien dit Marx et Engels, les prolétaires n’aient rien à perdre que leurs
chaines, peut-on penser à un éventuel chambardement du système capitaliste dans
la société haïtienne? Peut-on, comme le font croire Marx et Engels, croire dans
l’avènement d’une société communiste en Haïti ? Ne peut-on pas dire qu’alors
que Marx et Engels courent après les idéologues allemands, eux aussi, tombent
dans l’idéologie ? On ne saurait terminer cet article sans apporter une
précision importante, notamment sur les données que nous avons utilisé pour
étayer nos arguments. Disons que ces données sont de deuxièmes mains, donc
elles ne sont pas de nous. Nous sommes conscients des biais qu’elles peuvent
constituées à la scientificité du travail. Donc, comme l’aurait dit Marx, tout
jugement inspiré par une critique vraiment scientifique est pour nous le
bienvenu.
Aux marxistes du monde
entier !
©All
Right Reserved
saintfleur57@gmail.com
Port-au-Prince, 17 mars 2020
[1] On
dit « accumulation primitive » ou « accumulation
initiale ». Tout dépend de la traduction.
[2] L’Unité
Technique d’Exécution (UTE) est une agence du Ministère de l’Économie et des
Finances (MEF). Laquelle a été mise en place pour reloger les paysans déplacés
et pour fournir des compensations qui couvrent les couts des récoltes perdues
jusqu’à l’obtention de nouvelles terres.
[3] Selon Marx, l'édition originale
des Chroniques de Holinshed a été publiée en 1577, en deux volumes.
C'est un livre rare; l'exemplaire qui se trouve au British Museum est
défectueux. Son
titre est: The first volume of the Chronicles of England, Scoltande, and
Irelande, etc. Faithfully gathered and set forth, by Raphael
Holinshed, at London, imprinted for John Harrison. Même titre
pour. The Laste volume. La deuxième édition en trois volumes, augmentée
et continuée jusqu'à 1586, fut publiée par J. Hooker, etc., en 1587.
[4] En
Angleterre, cette législation, selon Marx, commence sous le règne
de Henri VII ». En France, on trouve des lois semblables où s’était établi
au milieu du XVIème siècle à Paris un royaume des truands (Marx [1983] 1993] : 828).
[5]
ALTERPRESSE. 2013. « Haïti-Le Parc Industriel de Caracol : A qui
profite le pari ? AterPresse.
URL : <http://www.alterpresse.org/spip.php?article14225#.Wv9qrt_D8wg,
consulté le 23 mai 2018.
[6] « Pour nous, dit Marx, le communisme n’est pas un état de choses
qu’il convient d’établir, un idéal
auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel
qui abolit l’état actuel des choses
[…] », MARX,
Karl. [1845] 1846. Idéologie Allemande
(La théorie matérialiste) in Maximilien Rubel, Karl Marx Philosophie [1965] 1982, Introduction de Louis Janover et
de Maximilien Rubel, Collection Folio/ Essais, Éditions Gallimard, p.321.
[7]
L’italique est de l’auteur.
Bibliographie
- ALTERPRESSE. 2013. « Haïti-Le Parc Industriel de Caracol : A qui profite le pari ? AterPresse. URL : <http://www.alterpresse.org/spip.php?article14225#.Wv9qrt_D8wg. consulté le 23 mai 2018.
- BARTHÉLÉMY, Gérard. 1989. Le pays en dehors : Essai sur l’univers haïtien. Port-au-Prince : Henri Deschamps.
- BORCHARDT, Julien. 1919. Karl Marx : Le capital. S.l. : Éditions populaires (résumé-extraits). Texte français établi par J.-P Samson.
- DELORME, Démesvar. [1873] 2003. Réflexions diverses sur Haïti : La misère au sein des richesses. Port-au-Prince. Éditions Fardin, « Collection du bicentenaire ».
- GOUVERNEUR, Jacques. 2005. Les fondements de l’économie capitaliste : Introduction à l’analyse économique marxiste du capitalisme contemporain. S.l : Troisième et dernière édition, enrichie de supports pédagogiques.
- KOIOS ASSOCIATES.2011. Étude des Impacts Environnementaux et Sociaux (EIES) du Parc Industriel dans la Région du Nord d’Haïti. S.l : s.é.
- MARX, Karl & ENGELS, Friedrich. 1848. Manifeste du parti communiste. Traduction française de Laura Lafargue, 1893. Édition électronique de Jean Marie Tremblay, réalisée à partir du livre de Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste (1848): Québec. « Collection Les classiques des sciences sociales ».
- MARX, Karl. [1983] 1993. Le Capital : Critique de l’économie politique. Livre Premier : Le procès de production du capital. Ouvrage publié sous la responsabilité de Jean-Pierre Lefebvre. Avant-propos, introduction et notes par Jean-Pierre Lefebvre : Quatrième édition, « Quadrige », PUF.
- MARX, Karl. [1845] 1846. Idéologie Allemande (La théorie matérialiste) in Maximilien Rubel, Karl Marx Philosophie [1965] 1982, Introduction de Louis Janover et Maximilien Rubel, Collection Folio/ Essais, Éditions Gallimard.
- MARX, Karl. 1845. La sainte famille : Ou critique de la critique critique contre Bruno Bauer et consorts. Édition électronique de Jean Marie Tremblay, Cette édition électronique a été réalisée à partir de : Karl Marx et Friedrich Engels (1945): Québec. « Collection Les classiques des sciences sociales ».
- PAUL, Edmond. [1896] 2004. Œuvres posthumes. Port-au-Prince, Éditions Fardin, Tom I.
- SHAMSIE, Yasmine. 2014. « La construction d’un parc industriel dans l’arrière-pays rural d’Haïti. Quelques observations sur le partenariat-société et les capacité de l’État ». Cahiers des Amériques Latines [En ligne], 75, mise en ligne le 3 septembre 2014, consulté le 19 mai. URL : http://journals.openedition.org/cal/3131; DOI : 10.400/cal.3131.
- UNITE TECHNIQUE D’EXECUTION. 2011. Plan d’Action pour la compensation et le rétablissement des moyens d’existence des personnes affectées par le projet du Parc Industriel de la région du Nord. S.l, s.é.
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