Sociologie du kidnapping en Haïti
Par Mozart SAINT FLEUR, Sociologue
‘’Ne pas déplorer, ne
pas rire, ne pas détester, mais comprendre’’
(Baruch de Spinoza in Pierre Bourdieu, 1993).
Si l’on veut comprendre un
phénomène quelconque de manière scientifique, on ne peut en rester seulement au
niveau des seules apparences. La science, précisément, consiste à aller au-delà
des phénomènes visibles pour découvrir une réalité plus profonde qui n’est pas
immédiatement évidente (Jacques Gouverneur, 2005).
Hormis la pandémie du coronavirus, s’il y a un phénomène
qui fait beaucoup parler de lui depuis le début de l’année 2020, en Haïti, ce
n’est autre que celui du kidnapping. En
effet, nombreux sont les cas qui ne cessent d’être graduellement enregistrés. Néanmoins,
contrairement aux autres cas enregistrés dans les années précédentes, la pratique
semble connaitre une certaine configuration. Autrement dit, si auparavant, les
victimes du kidnapping provenaient généralement
de la classe de la haute bourgeoisie, alors, aujourd’hui, la pratique semble
avoir évolué. Ainsi, tout le monde peut être victime du kidnapping, et ce indépendamment de sa classe sociale de
provenance, de sa nationalité, de son sexe, de sa religion, de son âge, etc.
Comment peut-on expliquer cette nouvelle configuration du passage du kidnapping
en Haïti? Pourquoi des gens que l’on appelle « kidnappeurs » acceptent-ils/elles de se livrer
à une telle pratique, en dépit des dangers qu’ils-elles encourent? Ces gens
sont-ils nés « kidnappeurs » ? Sinon, quels sont les facteurs
sociaux pouvant conditionner leurs actes ? Faut-il accentuer uniquement
sur les mesures pénales? Quand on sait qu’en Haïti la grande majorité des gens
qui ont accès au micro n’est pas vraiment éduquées, doit-on laisser
l’explication et/ou la compréhension des phénomènes sociaux, et donc celle du kidnapping qui bat son plein au sein de
la société haïtienne aux seuls-les directeurs/directrices d’opinions?
Sans aucune prétention d’être exhaustif, c’est à ces
questions et à bien d’autres que nous allons tenter de répondre.
Enjeux
de production de connaissances scientifiques sur des phénomènes ultra-sensibles
dans la société haïtienne
Tout d’abord, il faut préciser que nous sommes conscient de
combien il est périlleux de travailler sur un phénomène ultra-sensible comme le
kidnapping au sein de la société
haïtienne, une société théoriquement démocratique. Et, c’est là justement, pour
parler comme Pierre Bourdieu, l’une des contraintes majeures auxquelles fait
face le sociologue. Le sociologue, contrairement à l’historien, traite des phénomènes
présents, c’est-à-dire des phénomènes actuels. Aux dires de Bourdieu[1], « elle
[la sociologie] ne bénéficie pas comme l’histoire d’un recul temporel qui a la
vertu d’apaiser les conflits » (Bourdieu, cité par Harang, 2010). Au
contraire, ajoute l’auteur, « le sociologue est sur des terrains brûlants »
(Bourdieu, cité par Harang, 2010). Aussi, en dévoilant les mécanismes
invisibles par lesquels la domination se perpétue, la sociologie dérange. Elle
dérange, d’abord les dominants, c’est-à-dire les bénéficiaires de ces mécanismes ;
ensuite, « ceux qui, parmi les intellectuels, se font des complices, au
moins tacites ou passifs, de ces mécanismes et qui voient dans le sociologue un
insupportable reproche vivant »; enfin, la sociologie dérange « les
journalistes qui détiennent aujourd’hui une sorte de monopole de fait de la
parole publique de grande diffusion » (Bourdieu, 1999). Donc,
« mettre en cause la parole de ces porte-parole auto-désignés de la
société [à savoir les journalistes] a quelque chose d’un sacrilège, contre
lequel toute la corporation s’est dressé comme un seul homme ». Pourtant, contrairement à ce qu’on pourrait
penser, le sociologue « ne fait que faire son métier, le métier pour lequel
il est socialement mandaté, travailler à dire le vrai sur le monde social
(Bourdieu, 1999). Aussi, en tant que sociologue, « notre devoir n’est ni
d’accuser ni de pardonner, mais seulement de comprendre » (Simmel, cité
par Damon, 2005).
Le
terme de kidnapping et son évolution
Il est difficile de définir le kidnapping dans l’absolu. En effet, comme bon nombres de concepts, le
terme de kidnapping ne fait pas
l’unanimité (Ottuh & Aitufe : 2014 ; Asuquo, 2009 ; Ibrahim
& Mukhtar, 2017 ; Os, 2017). Selon Ottuh et Aitufe (2014), la
définition du terme de kidnapping est
problématique. Selon ces co-auteurs, tout dépend de la loi d’un pays, des
points de vue moraux ainsi que de la disponibilité d’autres variances comme prise
d’otage, détournement, etc., le terme peut avoir divers sens. Ils
déclarent ce qui suit :
Defining
kidnapping is problematic. The word poses a number of definitional problems in
relations to a country’s legal and moral viewpoints as well as the availability
of other variances such as hostage taking, hijacking, etc. (Ottuh & Aitufe, 2014: 421).
Cependant, citant Mohamed (2008), les deux auteurs notent
que le concept de kidnapping semble avoir pris naissance aux environs de 1682
parmi ceux qui ont perpétré ce crime.
However,
the concept of kidnapping seems to have originated around 1682 among those who
perpetrate this crime (Ottuh & Aitufe: 2014: 421 cité par
Mohamed 2008).
Les deux auteurs avancent pour dire que selon American Heritage Dictionary of English Language,
le mot ‘’kid’’ et ‘’napper’’ étaient des argots utilisés par des criminels. ‘’Kid’’
qui a encore un air anormal était considéré comme un petit argot lors de la
création du mot ‘’kidnapper’’, et le ‘’napper’’ est un vrai argot du mot
‘’voleur’’ provenant du verbe ‘’nap’’, voler. En 1978, l’année où le mot a été enregistré
pour la première fois, les ravisseurs ont exercé leurs métiers en vue de
conquérir des ouvriers pour des plantations dans des colonies comme celles
d’Amérique du Nord (Ottuh & Altufe : 2014 : 421-422). Lisons
la version originale des co-auteurs:
According
to the American Heritage Dictionary of English Language, the words ‘’kid’’ and
‘’napper’’ were slangs the criminals used. Kid which still has an informal air
was considered little slang when kidnapper was formed, and ‘’napper’’ is
absolute slang for a thief, coming from the verb nap, to steal. In 1678, the
year in which the word is first recorded, kidnappers plied their trade to
secure labourers for plantations in colonies such as the ones in North America (Ottuh
& Altufe: 2014: 421).
Selon une encyclopédie populaire de criminologie le
kidnapping est perçu comme une forme particulièrement odieuse, de ‘’rapt’’
(Yamarellos & Kellens, 1970 : 6 cité par Baffie, 1998 : 109). Du
point de vue juridique, toujours selon cette encyclopédie, le kidnapping
constitue « une infraction contre les biens, l’extorsion d’une rançon, le
plus souvent en argent, à une infraction contre les personnes, l’enlèvement
(Yamarellos & Kellens, 1970 : 6 cité par Baffie, 1998 : 111). Toutefois,
« le kidnapping a néanmoins un statut un peu à part parmi les crimes »,
car s’il est dans de nombreux cas seulement crapuleux (en particulier quand il s’agit
d’enlèvement d’enfants) », le phénomène « a pu être présenté comme un
acte politique de la part de groupes aux idéologies révolutionnaires, surtout
quand les victimes sont de richissimes hommes d’affaires pouvant être
considérés, par exemple comme des représentants du grand capital »
(Baffle, 1998 : 111-112).
Fage et Alabi (2017), pour leur part, définissent le
kidnapping comme étant un enlèvement forcé et frauduleux d’un individu ou d’un
groupe d’individus pour des raisons économique, politique et religieuse [la
lutte pour] l’autodétermination.
Forceful
and fraudulent abduction of an individual or a group of individuals for reasons
ranging from economic, political and religious to [struggle for] self-determination
(Fage
& Alabi, 2017: 289 cité par Ibrahim & Mukhktar, 2017: 136).
Cependant, nous dissent Ibrahim et Mukhtar (2017), Fage
et Alabi (2017) ont admis que ces personnes enlevées de force ou
frauduleusement sont pris en otage à des
fins économiques.
Ainsi, si le terme de kidnapping
semble avoir pris naissance au XVIIème siècle, notamment en
Angleterre, la pratique, semble-t-il, avait existé depuis l’Antiquité. Documentant
l’origine du phénomène de kidnapping,
Turner (1998), note que le terme est originaire de l’Angleterre du XVIIème
siècle, où des enfants ont été kidnappés et souvent vendus comme esclaves en
tant que travailleurs agricoles à des agriculteurs coloniaux (Turner, 1998 cité
par Ottuh &Aittufe, 2014).
Looking
at it globally, Turner (1998) has attempted a documentation of how kidnapping
originated. According to him, the term “kidnapping” originated in 17th Century
England where children were “kidnapped” and often sold as slaves or
agricultural workers to colonial farmers (Ottuh & Aittufe, 2014: 422).
Schiller (1985), quant à lui, nous dit qu’il est
intéressant de souligner que des siècles auparavant, dans la Rome Antique, l’Empereur
Constantin était devenu si alarmé par l’incidence du kidnapping qu’il a ordonné
la peine de mort comme punition pour le crime (Schiller, 1985 cité par Ottuh et
Aittufe, 2014).
It
is interesting to know that centuries before, in ancient Rome, Emperor
Constantine (AD 315) became so alarmed by the incidence of kidnapping that he
ordered the death penalty as punishment for the crime (Schiller, 1985 in Ottuh
& Aittufe, 2014: 422).
D’autant plus, ajoutent les co-auteurs, aux dires de
Gallagher (1985), au Moyen-Age et principalement en Europe, des
voleurs-barons kidnappaient des marchands et les retenaient contre rançon.
Robber-barons
were kidnapping merchants and holding them for ransom in the Middle Ages in
Europe (Gallagher, 1985 in Ottuh & Aittufe, 2014: 422).
Plusieurs motifs peuvent déclencher un acte de kidnapping. Ainsi, certains auteurs
arrivent même à catégoriser le phénomène en question. C’est le cas par exemple
de l’Office des Nations-Unies Contre la Drogue et le Crime (UNODC, 2003). Cette
instance, nous disent Ottuh et Aitufe (2014 : 423), en a identifié
différents types, soit six (6) types: kidnapping
pour extorsion (pour rançon, en vue d’influencer les décisions commerciales ou
obtenir un avantage commercial) ; le kidnapping
entre ou parmi des groupes criminels (pour obtenir de créance ou un avantage
dans un marché criminel) ; le kidnapping
à base d’exploitation sexuelle ; kidnapping
lié aux conflits domestiques ou familiaux (enlèvement d’un conjoint ou un
enfant) ; kidnapping à base de
vengeance et, en dernière instance, le kidnapping
à base de fin politiques ou idéologiques.
The
United Nations Office of Drugs and Crime (UNODC, 2003) has classified
kidnapping as follows: kidnapping for extortion (for ransom, to influence
business decisions or to obtain commercial advantage); kidnapping between or
within criminal groups (for debt recovery or to secure advantage in a criminal
market); kidnapping for sexual exploitation; kidnapping linked to domestic or
family disputes (spouse or child abduction); revenge kidnapping; and kidnapping
for political or ideological purposes. These typologies have been further
broadly categorized into three by Pharaoh (2005) as follows: criminal
kidnapping (hostage taking for ransom); political kidnapping (to settle
political scores or further some political objectives) and pathological
kidnapping (parental kidnapping and kidnapping for sexual purposes) (UNODC,
2003 cité par Ottuh & Aitufe, 2014: 423).
Ibrahim et Mukhtar, quant à eux, nous disent que le kidnapping, en tant qu’infraction pénale
violente, est un phénomène assez complexe. Il prend place dans divers contextes
pour diverses raisons. Donc, ses causes et conséquences sont également
nombreuses. Hazen et Korner (2007), pour leur part, ont signalé deux raisons
primaires de l’enlèvement : négociation politique et gain économique
(Hazen & Korner, 2017 cité par Ibrahim & Mukhtar, 2017 : 139).
Toutefois, citant le National Crime Records Bureau (NCRB) (2014), Ibrahim et
Mukhtar (2017 :139) nous disent qu’au-delà de ces deux grandes typologies
de l’enlèvement, des personnes sont kidnappées et enlevées pour des raisons et
intentions diverses, telles que l’adoption, la mendicité, le rapport sexuel
illicite, le mariage, la prostitution, la rançon, la vengeance, la vente, le trafic
d’organes, l’esclavage, le meurtre et autres[2].
D’autant plus, « il existe même des kidnappings[3]
que l’on pourrait qualifier de virtuel dans la mesure où ils n’ont finalement
pas lieu » où « le gang de kidnappeurs menace simplement la
victime potentielle de son intention de l’enlever mais ajoute que, si celle-ci
veut l’éviter, elle doit remettre une certaine somme d’argent », donc
« pour que ce soit crédible il faut bien entendu prouver à la victime que
ses habitudes sont bien connues et que son kidnapping est sur le point d’être réalisé
(Baffie, 1998 : 113). Aussi,
« il faut noter que, dans un certain nombre de cas, à la demande de rançon
s'ajoute celle d'autres marchandises[4] »
(Baffie, 1998 : 118).
Mais, à bien regarder les définitions que nous venons de
passer en revue, on peut constater que la rançon est l’un des principaux
facteurs qui motivent les actes de kidnapping. D’autant plus, l’acte requiert
un mouvement coercitif d’une victime d’un lieu à un autre, détention de saisie
de cette personne que ce soit un enfant ou un adulte. En plus, le terme a
évolué. Si au début, le kidnapping, comme son nom l’indique, concernait
uniquement les enfants, aujourd’hui, aucun groupe d’âge n’est épargné.
Dans cet article, la forme de kidnapping qui nous intéresse le plus est celle contre rançon. Aussi,
nous tenons compte de toutes les catégories d’âge.
Après avoir montré la complexité de la définition du
concept de kidnapping ainsi la
difficulté de retracer le moment l’exact où le premier cas a été signalé, nous
allons essayer de faire l’historique de ce phénomène au sein de la société haïtienne.
Historique
du kidnapping en Haïti
La société haïtienne, à l’instar de bon nombres d’autres
sociétés[5], n’est
pas exempte de kidnapping. Pourtant, malgré
le kidnapping est devenu une
véritable industrie au sein de la société haïtienne, presqu’aucun intellectuel n’est
intéressé à ce phénomène. En effet, il y a une forte carence en matière de
littérature scientifique sur le phénomène. Les quelques auteurs qui tentent de
l’aborder le font indirectement. Cette carence en matière de littérature
scientifique sur le phénomène nous empêche de le circonscrire
spatio-temporellement.
Selon, Paul Austin Sincère (2009), le kidnapping tel qu’il est actuellement en
Haïti semble faire son apparition après le départ du Président haïtien Jean
Bertrand Aristide, notamment en février 2004. Voici ce que nous dit l’auteur en
ses propres mots:
Le kidnapping tel quel est actuellement pratiqué ferait
son apparition dans la capitale du pays après l’événement de la soirée du
dimanche 29 février 2004 : départ du président Haïtien Jn. B. Aristide. Ce
dernier, d’Afrique du Sud étant et selon certains média, aurait dit d’avoir été
kidnappé et expédié de force dans le Continent africain. Alors que d’autres informations
relataient qu’il aurait démissionné.
Pourtant, selon l’auteur, les causes qui sont à la base
du déclenchement du kidnapping en Haïti,
notamment après le départ du leader charismatique, en l’occurrence le
Président Jean Bertrand Aristide, restent encore cachées. Aux dires de l’auteur,
après le départ du Président Aristide, trois approches font surface autour de
ce phénomène. D’abord, « au départ », dit-il, « on avançait que
les cas enregistrés seraient par les dits partisans de l’ex-président » en
vue d’ « exprimer leur mécontentement face à l’enlèvement de leur leader démocratique
élu président ». Ainsi, selon l’auteur, « cette première
approche entend cibler une couche sociale spécifique et une entité appelée chimères du Parti Fanmi Lavalas[6] ».
Ensuite, la deuxième approche, aux dires de l’auteur, est celle qui, selon
laquelle « les cas de kidnapping[7]
seraient perpétrés par des rapatriés pour des crimes ». Selon cette
seconde hypothèse, nous dit l’auteur, « ces derniers auraient appris ce
métier des pays où ils vivaient antérieurement et seraient donc des experts en
la matière ». La troisième et dernière approche souvent avancée, selon les
dires de Sincère (2009), est celle qui vise à « stigmatiser les anciens
protégés et policiers limogés sans préavis, ni accompagnement ». Une fois
tombés dans le chômage, nous dit l’auteur, « ils [les anciens protégés et
policiers limogés] seraient ou bien les mains cachées commanditant ces actes ou bien des potentiels
acteurs ». Ainsi, ajoute Sincère (2009), « frustrés d’avoir perdu
leur poste pour avoir appuyé ou servi l’ex-président conduit en Afrique du Sud,
ils [ces anciens protégés et policiers limogés] se donneraient un autre moyen
de survivre ». Toutefois, sans écarter le lien qui pourraient bien exister
entre ces hypothèses souvent évoquées, l’auteur croit qu’il faut les remettre toutes
en question. Car, à ses yeux, elles laisseraient toutes comprendre que « les
kidnappeurs qui réclament de forte somme pour libérer les otages seraient les
pauvres habitants des bidonvilles et qui sont exposés à des fléaux de toute
sorte ».
La commission de l’Immigration et du Statut des Réfugié
du Canada (ISRC[8]),
va dans le même sens que Sincère (2009). Dans un rapport publié en 2008, cette
commission note que le phénomène de kidnapping
« s’est par ailleurs accentué à la suite du climat de violence qui a
entouré le départ du Président de la République, Jean-Bertrand Aristide, en
février 2004 et l’avènement du gouvernement de transition ». Toujours, selon ce rapport, depuis 2004, ce
type de violence devient courant et constitue un moyen extrêmement efficace de devenir
riche dans un temps record. Car, pour la seule année de 2005, les enlèvements
contre rançon auraient rapporté plus de 50 millions de dollars américains aux
auteurs de ces crimes. Ainsi, selon ce rapport, « les responsables de ces
enlèvements sont généralement des bandes criminelles armées » et « souvent
aidées par des enfants de la rue qu’elles recrutent à cette fin».
Guichard Doré (2014), de son côté, nous dit que les actes
de kidnapping font leur apparition
dans le pays en 1996 suite au démantèlement des Forces Armées d’Haïti
ainsi que le Corps de des chefs de section constituant la police rurale, en
1994 (Doré, 2014 : 340). Selon l’auteur, « en 1991, le Gouvernement a
procédé à la révocation de la plupart des membres de du corps des chefs de
section qui remplissaient la fonction de police rurale laissant ainsi une
partie de la paysannerie dans l’insécurité » (Doré, 2014 : 341). « En
décembre 1994 », ajoute-il, « le Président Jean-Bertrand Aristide a
donné le coup de grâce à l’armature sécuritaire du pays quand il a démobilisé les
soldats et les officiers des Forces Armée d’Haïti (FADH) » (Doré,
2014 : 341). Ainsi, « une infirme partie des membres de FADH a été
recrutée comme agents de police intérimaire et, par la suite, ils ont intégré
la nouvelle force de police nationale » (Doré, 2014 : 341). Alors
que, « le Président Aristide a laissé une bonne partie des soldats démobilisé
dans la nature avec leurs armes » (Doré, 2014 : 341). « Malgré
les manifestations organisées par les militaires démobilisés, ajoute l’auteur,
« le Gouvernement n’a pas jugé important d’indemniser ces anciens membres
de l’appareil sécuritaire du pays ni de mettre en place un programme de
réinsertion professionnelle afin qu’ils puissent obtenir un nouvel emploi »
(Doré, 2014 : 341-342). « Ces militaires », enchaine Doré, « n’ont
pas eu droit à leur retraite alors qu’ils ont contribué à un fond de pension »
(Doré, 2014 : 342). « Depuis la dissolution des Forces Armées d’Haïti »,
conclut l’auteur, « le pays a perdu son équilibre sécuritaire et les actes
d’enlèvement ont commencé en 1996 à Port-au-Prince avec l’enlèvement[9]
spectaculaire de de Boris Potensky, fils de l’une des familles les plus riches
du pays » (Doré, 2014 : 342).
Donc, pour Guichard Doré, le phénomène de kidnapping en Haïti
a été déclenché du phénomène au sein de la société haïtienne notamment en 1996 et avait pour principales causes le démantèlement des
Forces Armées d’Haïti et celui du Corps des chefs de section constituant la
police rurale par le Président Jean-Bertrand Aristide dans les années 1994.
Toutefois, l’histoire raconte que le 23 janvier 1973, notamment
sous la dictature de Duvalier (père), un ambassadeur des États-Unis accrédité à
Port-au-Prince dénommé Clinton Knox a été enlevé et séquestré par trois haïtiens
en vue de forcer le gouvernement à l’époque à libérer de douze (12) prisonniers
politiques[10].
On a exigé du gouvernement haïtien la libération de 31 prisonniers. Aussi, une
rançon de soixante-dix mille dollars
américains y compris un avion ont été exigé au gouvernement afin de
pouvoir laisser le pays sans aucune contrainte.
On Tuesday, January 23, 1973, Mr. Clinton
Everett Knox, the US Ambassador in Haiti, was on his way to his residence in
Pétion-Ville when a commando of one woman and two men ambushed him. Armed with
gun and Knives, the kidnappers forced the ambassador into their car and made their
way to his residence. […] They also demanded that the government pay a ransom
of $ 70,000.00 and that an airplane be made available to them for safe passage
out of Haiti[11].
Cette historicité non exhaustive nous montre combien il
est difficile de dater le phénomène de kidnapping en Haïti, comme nous venons
de le mentionner plus haut. Abordons maintenant l’organisation du kidnapping.
La
pratique du kidnapping : une
chose hautement organisée
La pratique du kidnapping,
comme bon nombres d’autres activités, requiert un ensemble de savoirs et de
savoir-faire. Autrement dit, n’importe qui ne peut mener à bien un kidnapping tant que cela exige une
certaine organisation. En effet, selon Baffie (1998 : 114), « préparer
un kidnapping[12]
et le mener à bien, c'est-à-dire obtenir une rançon et libérer la victime
indemne, est une entreprise assez difficile qui ne peut être à la portée du
délinquant ordinaire ». Car, note l’auteur, il est important d’avoir non
seulement « des informations correctes sur les habitudes de la victime et
le niveau de sa fortune, des armes suffisamment dissuasives, un lieu de
détention difficile d'accès pour les forces de police », mais aussi
« une capacité de négociation si la rançon demandée doit être revue à la
baisse » (Baffie, 1998 :114). Aux dires de Baffie (1998), « tout
ceci implique un travail d'équipe et un certain niveau d'organisation »
(Baffie, 1998 :114). Donc, cela nous montre que le kidnapping n’est pas l’affaire d’un simple « délinquant ».
Car, cette activité demande non seulement la mobilisation d’un ensemble
d’informations sur la potentielle victime, mais aussi un ensemble de matériels afin
de la mener à bien.
S’il faut voir dans le kidnapping une construction sociale, qu’est-ce qui peut pousser des
gens ordinaires à devenir « kidnappeurs »? Sans aucune prétention d’être
exhaustif, essayons de passer en revue certaines théories traitant de la
déviance.
Le
phénomène de kidnapping et théories
de la déviance
Le phénomène de kidnapping
peut être vu comme étant une forme de déviance. Mais, soulignons pur mémoire
que pour qu’il y ait déviance, il faut qu’il y ait des normes et la
transgression de celles-ci. Sur ce, Maurice Cusson nous dit que « c’est
l’interdiction, promulguée dans une loi qui crée[13]
le délit, qui le constitue en tant que délit » (Cusson, [1942]1989 :
20). Laurent Mucchielli (2014) va dans le même sens que Cusson pour dire que « la déviance
suppose la réunion de trois éléments : une norme, une transgression de
cette norme et une « réaction sociale » à la transgression de cette
norme ». Les normes, quant à elles, peuvent être définies comme étant « un
ensemble d’incitations, d’obligations ou d’interdictions fondées sur un socle
de valeurs visant à orienter le comportement des individus en société »
(De Laminat, 2017).
Kidnapping, pourquoi ?
Commençons pour dire que, selon notre lecture, il n’y a
pas à proprement parler de théories du kidnapping.
Néanmoins, lorsqu’une personne est illégalement enlevée et confinée, par
exemple dans le but d’obtenir rançon de commettre un autre crime, l’acte devient
criminel[14]
(Os, 2017 : 2). Donc, comme nous l’avons dit plus haut, le kidnapping en tant qu’une forme de
déviance, peut être vu comme étant un crime. Les « kidnappeurs »,
contrairement à ce qu’on pourrait penser, ne pratiquent pas le kidnapping sans aucun motif, autrement
dit, ces derniers poursuivent des buts bien déterminés. Car, comme l’aurait dit
Maurice Cusson ([1942] 1989), « la
fin d’un crime peut être définie comme le résultat que l’auteur se propose
d’atteindre cet acte[15] »
(Cusson, [1942] 1989 : 93-94). Ainsi, le « résultat auquel il
[l’auteur] veut arriver peut être un état de satisfaction, par exemple le
plaisir de posséder un objet, ou encore la solution à un problème, comme la
disparition d’une personne gênante (Cusson, [1942] 1989 : 94). C’est ainsi
que Cusson souligne le caractère multidimensionnel des conduites délictueuses. L’auteur
de Délinquants : Pourquoi ?
parvient, de manière non exhaustive, à identifier treize fins qui peuvent être poursuivies
par une personne qui commet un acte délictueux. Ainsi, Cusson (Cusson, [1942]
1989) les regroupe en quatre types : l’action (l’excitation, le jeu),
l’appropriation (l’expédient, la possession, l’utilisation, la convoitise, le supplément,
la fête), l’agression (la défense, la vengeance) et, enfin la domination (la
puissance, la cruauté, le prestige (Cusson, [1942] 1989 : 101-102). L’action,
dit l’auteur consiste à « commettre un délit pour se déployer de
l’énergie et pour avoir la sensation de vivre » (Cusson, [1942]
1989 : 105). L’appropriation, de son côté, « est le fait de voler dans le but de
profiter du bien d’autrui » (Cusson, [1942] 1989 : 127). L’agression,
quant à elle, « est le fait d’attaquer d’autrui pour le tuer, le blesser
ou le faire souffrir » (Cusson, [1942] 1989 : 139). Tandis que, la
domination « consiste à commettre un délit pour obtenir une suprématie
quelconque » (Cusson, [1942] 1989 : 173). Suivant cette théorie, comme
nous venons de le dire plus haut, derrière chaque conduite délinquante, il y a
un motif, un but. Tout ceci pour dire
que, selon Cusson, pour comprendre l’action d’un individu, il est important de
s’accentuer sur les raisons que celui-ci invoque pour justifie son acte. Car, l’acteur
est rationnel. Donc, c’est la maximisation de la satisfaction qui pousse un
individu à commettre un acte déviant.
Alors que pour le sociologue français, Émile Durkheim, l’origine de la déviance se trouve dans ce qu’il nomme l’anomie,
c’est-à-dire « la maladie d’une société privée de règles morales et
juridiques conduisant à la désagrégation de la solidarité » (Durkheim cité
par De Lamirat, 2017). C’est ainsi que Durkheim (1937) nous dit que « s’il
est un fait dont le caractère pathologique paraît incontestable, c’est le crime »
(Durkheim, 1937 : 65). Considéré comme étant « un acte qui offense
certains sentiments collectifs, doués d’une énergie et d’une netteté
particulières », le crime, aux yeux de Durkheim, n’est pas l’affaire d’une
société particulière, mais il est présent dans toutes les sociétés de tous les
types (Durkheim, 1937 : 65-67). Selon ses dires, « il n’en est
pas où il n’existe une criminalité » (Durkheim, 1937 : 65). « Elle
change », dit-il « de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne
sont pas partout les mêmes » (Durkheim, 1937 : 65). D’autant plus,
aux dires de l’auteur, « partout et toujours, il y a eu des hommes qui se
conduisaient de manière à attirer sur eux la répression pénale » (Durkheim,
1937 : 65). Durkheim est convaincu qu’il n’existe pas de société sans
crime, donc il s’agit d’un phénomène social normal participant dans la
consolidation de la conscience collective. Lisons plutôt l’auteur :
Classer le crime parmi les phénomènes de sociologie normale, ce n’est pas
seulement dir qu’il est un phénomène inévitable quoique regrettable dû à l’incorrigible
méchanceté des hommes, c’est affirmer qu’il est un facteur de la santé publique,
une partie intégrante de toute société saine (Durkheim,
1937 : 66).
Ainsi, pour Durkheim, la normalité du crime peut-être
aussi expliquée en ce sens « qu’une société qui serait exempte est tout à
fait impossible ». Sur ce, l’auteur est convaincu que le crime est nécessaire
dans toute société et donc utile. D’autant plus, le criminel ne doit pas être
vu comme un être radicalement insociable. Lisons plutôt Durkheim :
Le crime est donc nécessaire ; il est lié aux conditions fondamentales
de toute vie sociale, mais, par cela même, il est utile ; car les
conditions dont il est solidaire sont elles-mêmes indispensables à l’évolution
normale de la morale et du droit. [….] Contrairement aux idées courantes, le
criminel n’apparait plus comme un être radicalement insociable, comme une forme d’élément parasitaire,
de corps étranger et inassimilable, introduit au sein de la société ;
c’est un agent régulier de la vie sociale (Durkheim.
1937 : 70-71).
Nous venons de voir le caractère normal du crime dans la
sociologie durkheimienne de la déviance. Donc, le phénomène de kidnapping
notamment, en tant que crime, est un phénomène social normal. Il est normal en
ce sens qu’il est présent dans toute société. Toutefois, Durkheim n’est pas le seul à
révéler le caractère normal du crime. Karl Marx, lui aussi, a fait le même
constat pour dire que « non seulement le crime est normal, mais il est
facile de prouver qu’il a bien des utilités » (Marx, 1905-1910 : 4). Sur
ce, l’auteur nous dit que :
Le criminel produit non seulement la criminalité mais aussi la loi criminelle ;
il produit le professeur qui donne des cours au sujet de la loi criminelle et
de la criminalité, et même l’inévitable livre de base dans lequel le professeur
présente ses idées et qui est une marchandise sur le marché (Marx, 1905-1910 : 4).
Le sociologue américain Robert King Merton, quant à lui, dans
sa typologie d’adaptation individuelle parle de cinq types de
comportements : le conformisme, l’innovation, le ritualisme, le retrait et
la rébellion. Pour l’auteur, c’est la structure sociale qui agit sur les
individus dans un sens ou dans l’autre. Car, dit-il, « dans la mesure où
une société est stable, ce premier type d’adaptation (conformité à la fois aux
buts et aux moyens) est le plus répandu » (Merton, [1965] 1970 : 19).
Quant à l’innovation, Merton nous dit que « la grande importance que la
civilisation accorde au succès invite les individus à utiliser des moyens
interdits mais souvent efficaces pour arriver ne serait-ce qu’à un simulacre de
réussite : richesse et pouvoir » (Merton, [1965] 1970 : 20). « Cette
réaction », dit-elle, « a lieu
lorsque l'individu a accepté le but prescrit mais n’a pas fait siennes les
normes sociales et les procédures coutumières » (Merton, [1965]
1970 : 20). Le ritualisme, selon
Merton, « suppose que l’on abandonne le sublime idéal de la réussite
financière et de l’ascension rapide, et qu’on le rabaisse au point où les
aspirations peuvent être satisfaites » (Merton, [1965] 1970 : 28).
Mais, aux dires de l’auteur « tout en refusant de « chercher à dominer le
monde », on continue cependant à obéir sans le vouloir aux normes sociales »
(Merton, [1965] 1970 : 28).
L’évasion, quand à lui, selon Merton, est le mode d’adaptation
est probablement le plus rare. Pour l’auteur, « à proprement parler, les
personnes qui l’emploient sont dans mais non pas de la société :
sociologiquement ce sont de véritables étrangers » (Merton, [1965]
1970 : 28). Alors que la rébellion est un type d’adaptation qui « rejette
les individus hors de la structure sociale et les pousse à tenter d’en faire
une nouvelle » (Merton, [1965] 1970 : 34). Donc, aux dires de Merton,
« cela suppose que les individus soient étrangers aux buts et aux moyens
de la société où ils vivent, qui leur paraissent purement arbitraires, sans
autorité ni légitimité » (Merton, [1965] 1970 : 34).Tout ceci pour
dire que, selon Merton, tous les individus ne réagissent pas de la même manière
par rapport aux normes.
Sans aucune prétention de passer en revue toutes les théories
traitant de la déviance, on peut conclure cette partie pour dire que le
kidnapping est un phénomène social normal non pas dans le sens de la morale chrétienne
du terme, mais plutôt dans le sens durkheimien de la sociologie. Donc, si
« le rime n’a rien de morbide, la peine ne saurait avoir pour objet de le
guérir et sa vraie fonction doit être cherchée ailleurs » (Durkheim,
1937 : 72). Ainsi, ce serait une grave erreur de penser qu’en votant des lois
drastiques, voire sanguinaires le phénomène de kidnapping va être disparu. Malheureusement, c’est ce que font
souvent certains directeurs d’opinions au sein de la société haïtienne. Ces
derniers, généralement beaucoup plus doxosophes
que scientifiques, pensent que des lois draconiennes sont des véritables
remèdes au phénomène de kidnapping
qui s’abat dans tous les coins du pays et surtout à Port-au-Prince, capitale d’Haïti.
Comment arrive-t-on à faire disparaître un phénomène qui est normal ?
D’autant plus, contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’y a pas de kidnappeurs-nés. Cesare Lombroso (1887),
dans sa théorie raciste de l’anthropologie criminelle, pense qu’il y avait de « criminel-né ».
Pour lui, « le type criminel est un individu atavique et amoral commettant
des forfaits par nécessité biologique » (Lombroso, 1887 cité par
Renneville, 2005 : 1). C’est ainsi qu’ « il présente certains traits
anatomiques (forte mâchoire, arcades sourcilières proéminentes), psychologiques
(insensibilité à la douleur…) et sociaux (tatouages, argot…) qui le rapproche
du sauvage » (Lombroso, 1887 cité par Renneville, 2005 : 1).
Toutefois, le seul mérite de la théorie lombrosienne de la criminologie est
d’avoir été la première étude qui tente d’approcher l’homme criminel de manière
rationnelle. Passons !
Cette parenthèse était ouverte en vue de montrer que les
causes du crime, et donc du kidnapping
sont avant tout sociales. S’il n’existe pas de kidnappeurs-né, donc, au lieu de s’accentuer uniquement sur des
mesures contraignantes, il serait aussi important de rechercher les causes
sociales qui ont poussé des gens à commettre des actes de kidnapping. Aussi, peine perdue de dire ici que la montée graduelle
des bandes armées, surtout dans les zones reculées d’Haïti, sont le résultat de
l’absence de l’État dans ces zones-là. Même dans la capitale haïtienne où
concentrent la grande majorité des institutions étatiques, l’absence de l’État
se fait clairement remarquer. Voyons maintenant ce que dit la législation haïtienne
à propos de l’enlèvement des personnes.
Kidnapping au regard de la législation haïtienne
En vue de contrer le phénomène de l’enlèvement qui ne
cesse de battre son plein au sein de la société haïtienne, en 2005, notamment sous
l’administration Boniface-Latortue[16], un
décret-loi a été publié par le Pouvoir Exécutif. Selon ce décret-loi qui parle
plutôt d’enlèvement au lieu de kidnapping, serait punissable de travaux
forcés à perpétuité toute personne qui aura enlevé,
détenu ou séquestré ou tenté d’enlever, de détenir ou de séquestrer des
personnes quelconques dans le but d’obtenir une rançon. Aussi, cette
peine s’appliquera tant aux auteurs de l’enlèvement qu’aux personnes qui auront
facilité l’enlèvement. Lisons l’article 293bis de ce décret :
Seront punis de travaux forcés
à perpétuité, ceux qui auront enlevé, détenu ou séquestré ou tenté d’enlever,
de détenir ou de séquestrer des personnes quelconques dans le but d’obtenir une
rançon. Quiconque aura facilité l’enlèvement, prêté un lieu pour exécuter la
détention ou la séquestration, ou aura été complice de tels actes subira la
même peine.
Toutefois, depuis lors, rares sont les présumés
kidnappeurs qui ont subi cette peine. En 2006, le gouvernement de René Garcia
Préval a mis sur pied un programme titré Désarmement,
Démobilisation et Réintégration (DDR), lequel a été « lié à des
projets de développement communautaire et de réduction de la violence et visant
notamment à ‘’créer des emplois, une infrastructure et des services publics
visibles’’ dans les bastions des groupes armés » (CISRC, 2008). Ainsi,
« une Commission Nationale pour le Désarmement,
le Démantèlement et la Réintégration (CNDDR) a été institué par le gouvernement
le 29 août 2006 pour mettre en œuvre le DDR » (CISRC, 2008). Toutefois, « un
rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur la MINUSTAH, publié en
décembre 2006, signale qu’à cette date, ‘’seuls deux groupes, comprenant au
total 104 individus [avaient] formellement été admis dans le programme de désarmement
et de réintégration » (CISRC, 2008). « ‘’Et que, bien qu’il y ait eu une
certaine réduction dans le nombre d’enlèvement, à cette date, le programme n’avait
pas sérieusement ébranlé les bandes armées » (CISRC, 2008).
En novembre 2008, le Sénat a soumis une loi sur l’enlèvement,
la séquestration et la prise d’otages des personnes, laquelle loi a été publiée
dans le journal officiel de la république, à savoir Le Moniteur, vendredi 20 mars 2009. Selon l’article 293-1 de cette loi,
Seront punis de quinze (15) à vingt-cinq (25) ans de travaux forcés, ceux
qui, sans être revêtus de l'autorité publique, sans un ordre légitime des
autorités constituées et hors des cas prévus par la Loi, se seront emparés, par
ruse ou persuasion, de gré ou de force
d’une personne quelconque, l'auront enlevée et séquestrée, en vue d'obtenir
une rançon ou non.
Ce qu’ont oublié ces législateurs, c’est que le kidnapping est un fait social normal
dans le sens durkheimien du terme. Ainsi, ce n’est pas en punissant un
délinquant qu’on peut finir avec la délinquance. Tout se passe comme si le
propre de la prison est de corriger les « déviants ». D’ailleurs, les
études de Michel Foucault sur la prison ont déjà démontré que « la prison n’est
pas un simple dépotoir de criminels, mais une machine à fabriquer de nouveaux
criminels, utiles économiquement et politiquement (Foucault, 1975 cité par
Russ, 1985 : 151). Donc, comme on
l’a si bien souligné le journal Feuille d’Avis
de Neuchatel et du vignoble
neuchâtelois (1936 : 6), « tant que le kidnapping sera
avantageux, les criminels le pratiqueront quels que soient les dangers qui les
menacent ». D’autant plus, étant « un jeu dangereux, mais où l'on gagne
beaucoup », « même si neuf kidnappeurs
sur dix devaient finir leur vie sur la chaise électrique, il y en aurait toujours qui tenteraient le coup »
(Feuille d’Avis de Neuchatel et du
vignoble neuchâtelois, 1936 : 6).
L’article 293-2 de cette même loi stipule
ce qui suit :
La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, lorsque les faits d'enlèvement et de séquestration auront été précédés, accompagnés ou suivis de violences
ou tortures corporelles; lorsqu'ils auront été commis sur une ou plusieurs personnes simultanément; ou lorsque la
victime, par suite des violences ou tortures corporelles, ou des conditions de détention ou de la
privation d'aliments ou de soins, a subi une infinité temporaire ou permanente ou une mutilation;
lorsque les tortures, violences ou actes de barbarie qui auront précédé, accompagné ou suivi les faits d'enlèvement auront entraîné la mort de la victime ou auront été précédés, accompagnés ; ou suivis de viol ou
d'agression sexuelle; lorsque le crime aura été commis en groupe ou bandes armées; lorsque la
victime aura été un enfant nouveau-né, ou un enfant de moins de seize (16) ans; lorsque les faits
auront été perpétrés après six (6) heures du soir et avant six (6) heures du
matin.
D’autant plus, l’article 293-5 note que les complices
d’un enlèvement seront punis des mêmes peines que les auteurs principaux. L’article
293-13, quant à lui, mentionne les obligations des opérateurs de communications
envers du Commissaire du Gouvernement du Tribunal de Première
Instance en matière d’information
dans le cadre d’un enlèvement. Lisons plutôt l’article :
Les opérateurs de services de communications électroniques sont tenus, sur
réquisition motivée du Commissaire du Gouvernement du Tribunal de Première
Instance dans le ressort duquel aura été commise l'une des infractions prévues
aux articles 293-1, 293-2, 293-3. 293-4, 293-5, 293-6, 293-7, 293-8, 293-9 et
293-10, de fournir aux services de Police Judiciaire, toutes les informations
relatives aux terminaux de communications électroniques utilisés avant, pendant
et après la perpétration des infractions et jusqu'à la libération des personnes
enlevées, séquestrées ou gardées en otage. Tout refus de collaborer sera tenu pour un fait de complicité et les responsables des services de communications électronique ou des personnes morales fournissant de tels services seront poursuivis comme tels, dans les conditions prévues dans la présente Loi.
L’application de cet article semble être chimérique quand
on se souvient qu’en Haïti, n’importe qui peut procurer une carte SIM sans
avoir besoin de l’enregistrer. Autrement dit, en Haïti, la vente des cartes SIM
échappe au contrôle des opérateurs de communication. Passons ! Revenons à
la question du désarmement, de démantèlement et de réinsertion. Car, aujourd’hui
encore, cette même idée de désarmement, de démantèlement et de réinsertion a
refait surface sous le gouvernement de Jovenel Moise, et institué notamment le
11 mars 2019. La Commission de Désarmement, de Démantèlement et de
Réinsertion (CNDDR), qui semble être l’exacte copie de celle qui a été instituée
sous la présidence de René Garcia Préval, comme son nom l’indique, a pour objectif
« de coordonner et d’appliquer, d’après l’article 4 de l’arrêté l’ayant
institué, la politique de désarmement, des groupes armés et de réinsertion des
individus désarmés » (Worlguenson, 2019). Ainsi donc, elle devra entre
autres fournir un rapport semestriel notamment sur la situation nationale ainsi
que son évolution dans le domaine du contrôle des armes à feu au sein de la
société haïtienne (Worlguenson, 2019). Mais, malgré l’installation de cette
structure, aucune avancée significative n’est constatée. Les gangs armés
continuent de multiplier et de semer la terreur dans tous les coins du pays, et
ce, en toute quiétude. Ainsi, le phénomène de kidnapping ne cesse de connaître une
recrudescence graduelle. Les quelques rares armes à feu soumis par quelques bandes
armées à la commission de désarmement sont usagées. Alors que, quotidiennement sur
les réseaux sociaux, on peut constater des groupes armés qui exhibent en toute
quiétude leurs nouvelles armes à feu ainsi que des minutions.
Le kidnapping au regard de l’absence de
politique pour les jeunes[17]
en Haïti
Sans rentrer dans le débat que la jeunesse n’est qu’un mot, disons qu’en Haïti, les jeunes que ce
soit ceux vivant dans les villes ou ceux habitant le pays en dehors, se livrent
à eux-mêmes. En Haïti, aucune politique publique n’est destinée aux jeunes.
Pendant que d’autres sociétés voient dans leurs jeunes des porteurs
d’avenir, chez nous, en Haïti, être
jeune ne veut rien dire pour nos décideurs politiques. Il n y a presqu’aucune
porte de sortie pour les jeunes. Pourtant, ils constituent la plus grande
portion de la population. Pour donner un sens à leur vie, nombreux sont ceux
qui se sont obligés de se diriger en masse vers les pays étranger. Dans cette
société à l’envers, étudier ne veut presque rien dire. Car, en Haïti, on étudie
pour quémander ou, pour répéter l’autre, on étudie pour être au chômage. Dans
une situation pareille, il est évident que nos dirigeants, par l’absence d’une
politique de jeunes, conditionnent le vol, le banditisme, le crime et donc le kidnapping en Haïti. Car, tout le monde
n’a pas la possibilité de quitter le pays pour aller gagner leur vie dans une
autre société. Et, tout le monde n’a pas la même capacité de gérer leur
stress, voire leur indignation. Étant donné que le kidnapping est une activité quoique risquée, mais éminemment
rentable, et ce, dans un temps record, certains jeunes se sont obligés de s’y livrer
au point qu’il n’est pas rare d’entendre des gens qui orchestrent leur propre
enlèvement en vue d’extorquer des gains pécuniaires du côté de leurs proches.
La misère et le chômage sont tellement présents dans le quotidien des jeunes
haïtiens au point que ceux qui ne peuvent pas résister tombent dans le
kidnapping, voire même le moderniser. Car, maintenant, tout le monde est
kidnappable, si nous pouvons utiliser ce mot. Tout ceci pour dire que la
nouvelle configuration du kidnapping
en Haïti peut être expliquée par la recrudescence de la misère et du taux de
chômage en Haïti. Sans minimiser les torts causés par certains ravisseurs à bon
nombre de familles au sein de la société haïtienne que ce soit du point de vue
matériel, sanitaire, perte en vie humaine ou psychologique, ces gens que l’on
appelle des bandits, des kidnappeurs peuvent être considérés comme des
victimes. Ils sont victimes du kidnapping
d’État, car l’État kidnappe leur avenir. Ils sont victimes d’une société qui ne
les canalise pas. Ils sont victimes de la mauvaise gouvernance de l’État. Ils
sont victimes de la dichotomie entre les
dirigeants et les dirigés. Ils sont victime du chômage. Ils sont victimes
d’une société du mépris. Ils sont
victimes d’une société qui a pour épine dorsale l’exclusion, l’injustice et
l’indifférence sociale. Ils sont victimes aussi de la rapacité outrancière des
dirigeants haïtiens qui, au lieu d’encadrer les jeunes, se livrent plutôt dans
la corruption la plus totale, la plus sordide en quelque sorte. En Haïti, et
ce, dans presque toutes les sphères de la vie nationale, la corruption est
presque devenue une norme, un habitus[18]
au sens bourdieusien du terme. La corruption est presque officialisée au point
qu’on est en droit de l’institutionnalisation de la corruption en Haïti.
Généralement, on fait appelle à la jeunesse haïtienne quand on veut les
utiliser uniquement à des fins malsaines. Pour une meilleure compréhension du
rapport étroit existant entre la corruption et la nature de l’État haïtien,
autrement dit en quoi la corruption est ancrée dans la nature même de l’État
haïtien, voir Laënnec Hurbon (2018).
Nous venons de voir de manière laconique le rapport
existant entre le phénomène de kidnapping
qui bat son plein au sein de la société haïtienne ainsi que sa
modernisation, et l’absence de politique publique destinée aux jeunes. Toutefois,
concluons cette partie pour dire qu’il serait simpliste de prétendre que ce
sont uniquement les jeunes qui peuvent s’adonner aux actes de kidnapping en Haïti. Voyons maintenant
l’impact de la situation économique du pays sur la recrudescence du kidnapping ainsi sa nouvelle tournure au
sein de la société haïtienne.
Le kidnapping au regard de la situation de
misère qui s’abat sur Haïti
On ne peut pas aborder le phénomène de kidnapping en Haïti, sans toucher entre
autre la pauvreté dans laquelle vit la grande majorité de la population. En effet,
depuis son accession à l’indépendance en 1804, Haïti a connu une situation
économique précaire où, comme l’aurait dit Chéry, « l’État s’oppose à
l’expansion de l’économie, à la multiplication de la richesse dans toutes les
couches de la société (Chéry, 2012 : 51). Selon un rapport de la Banque
Mondiale[19]
publié en 2019, Haïti est considérée comme le pays le plus pauvres de
l’hémisphère occidental et ayant un Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant
de 870 $ et un indice de développement humain qui la classe 168 sur 189 pays
pour l’année 2018. Ainsi, toujours selon ce même rapport, « plus de 6 millions
d’Haïtiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2.41 $ par
jour, et plus de 2.5 millions sont tombés en-dessous du seuil de pauvreté
extrême, ayant 1.23 $ par jour ». En dépit de ce classement et la
situation précaire dans laquelle patauge la grande masse de la population, l’État
n’a rien fait en vue de redresser la barre. Comme l’aurait dit Jacques Nesi
(2018) « l’indépendance des anciens esclaves qui poursuivait l’objectif de
mettre fin à la ‘’souffrance, l’abjection, l’humiliation, la violence’’ n’a pas
abouti à la construction d’un ordre égalitaire ». Dans une telle situation
infra humaine où patauge la grande majorité de la population, il serait naïf de
ne pas penser à un éventuel contournement des normes sociales. En Haïti, l’insécurité,
comme l’a si bien fait remarquer Thomas Lalime (2019), a franchi les frontières
des bidonvilles de Port-au-Prince pour
s’étendre à l’échelle nationale. Partout dans le pays, surtout dans les
quartiers populaires dont Cité Soleil, La Saline, Martissant, « règne les
bandits armés qui veulent désormais devenir ‘’légaux’’ » (Lalime, 2019). Ainsi,
pour paraphraser l’autre, et suivant nos constats, peine perdue de dire qu’aujourd’hui
Haïti est devenu « un véritable abattoir où le principal animal de
boucherie est l’être humain ». D’autant plus, incapables de convaincre le
peuple et poussés par l’idée de corruption, nombreux sont les politiciens qui profitent
de la vulnérabilité de la grande masse et surtout ceux vivant dans les
quartiers populaires, en les armant lourdement, en vue de gagner frauduleusement
des élections et/ou en vue de conserver leur pouvoir. D’où le goulot
d’étranglement de toute campagne de désarmement en Haïti. Et, ces jeunes,
parfois, se servent de ces armes pour participer dans des vols et des actes de
kidnapping. Sur ce Nessi (2018) note que « les différents rapports des
organisations locales de défense des droits humains met en avant cette
hypothèse, sous-tendue par la complicité des autorités de police avec les ’’bandits’’
connus par les autorités, recrutés comme attachés à la sécurité des
parlementaires » (Nessi, 2018 : 11). Ces parlementaires « appartiennent
à des réseaux qui se consacrent à l’exploitation des rentes générées par le
trafic d’armes, l’enlèvement des personnes et l’insertion de la violence dans
l’organisation et la structuration des forces politiques » (Nessi,
2018 : 11). « Les acteurs politiques », avance-t-il, « traitant
en toute clandestinité des relations avec les « chefs » des gangs de ces
bidonvilles [Cité Soleil, Martissant, etc.] entrent dans l’arène par l’intégration
dans leur offre, lors des différentes consultations électorales, des modalités
de déploiement de la violence » (Nessi, 2018 : 11).
Ces facteurs que nous venons d’énumérer tout au long de
ce travail ne sont pas les seuls à pouvoir expliquer la recrudescence, voire la
nouvelle configuration du kidnapping
en Haïti. La liste serait trop longue pour ce petit travail. Bornons-nous à
citer entre autres la cupidité, la vengeance, l’explosion démographique[20],
la sur-occupation de certains espaces, la mauvaises répartition des richesses, l’illettrisme
et/ou l’analphabétisme, la détention illégale d’armes à feu, etc.
Nous venons de voir le lien qui pourrait bien exister
entre la pauvreté qui bat son plein dans la société haïtienne et surtout dans
les quartiers pauvres et les actes de kidnapping
en Haïti. Aussi, nous venons de montrer l’accaparement que font certains
politiciens de la pauvreté de la grande masse. Toutefois, il serait candide de croire
que seuls les gens vivant dans les bidonvilles peuvent s’adonner au phénomène
de kidnapping. Maintenant, essayons
de voir comment certaines élites peuvent, elles aussi, recourir à l’arme du
crime, dont le kidnapping. Notons que
les élites dont il est ici question ne sont pas forcément celles de la société
haïtienne. D’autant plus, elles peuvent être économiques, politiques, etc.
Élites et kidnapping
Contrairement à ce qu’on pourrait penser le crime n’a pas
de classe. Quiconque peut participer à des actes hors la loi, et ce,
indépendamment de la couleur de sa peau, de son niveau intellectuel, de sa
situation économique, de sa position sociale, etc. En Haïti, et dans bien d’autres
pays de la planète, le kidnapping n’est
pas l’affaire d’une classe sociale spécifique. Autrement dit, ce ne sont pas
uniquement les pauvres qui sont enclin de recourir à l’arme du crime. Pour
parler comme Baffie (1998 :114), « ceux qu'il est convenu d'appeler
les "gangs de kidnappeurs" sont d'horizons assez divers[21] ».
Les gens faisant partie des élites, eux aussi, peuvent s’adonner aux crimes, et donc au kidnapping. Notre raisonnement peut paraître ridicule, mais il a un
sens. Car, on peut se demander comment se fait-il qu’une catégorie sociale qui,
généralement, est à l’abri des besoins, peut s’adonner aux actes criminels. D’ailleurs,
en Italie, notamment dans les années 1980, le concept de ‘’bourgeoisie
mafieuse’’, notion floue, n’a-t-il pas
été élaboré par l’historien Umberto Santino, pour désigner toutes les élites
qui profitent de la ‘’main invisible’’ du crime pour conduire leurs propres
affaires? (Gayraud & De Saint-Victor, 2012 : 136-137). Plus
loin, les co-auteurs notent ce qui suit :
Grâce à l’introduction de ce concept de « concours externe », le droit
pénal italien a pu pousser beaucoup plus loin que toutes les autres
législations d’Europe l’analyse des mécanismes liant le monde des élites
politiques, économiques, financières, médiatiques, sportives, etc. avec ce que
la criminologue Alessandra Dino appelle le « noyau dur » (nucleo duro) de la mafia. (Gayraud & De Saint-Victor, 2012 : 137).
Ainsi, l’un des éléments qui peuvent pousser certaines
élites aux actes criminels sont surtout d’ordre conflictuel (conflit
inter-champ et conflit intra-champ). Comme l’aurait dit Pierre Bourdieu (1984),
à l’intérieur d’un champ, entendu comme un espace multidimensionnel de
positions, les agents se positionnent en fonction de l’espèce et du volume de
capital dont ils disposent. Selon l’auteur, tout champ est un champ de luttes,
autrement dit la lutte constitue la pierre angulaire de tout champ (Bourdieu,
1984). Il peut y avoir de luttes non seulement pour la conservation de
position, mais aussi pour empêcher de nouveaux entrants au sein d’un champ. Donc,
quiconque ne peut entrer n’importe comment dans un champ. Et, sitôt entrer, une
certaines règles de jeux doivent être adoptées par le nouvel entrant. Lisons de
préférence Bourdieu :
[…]dans tout champ on trouvera une lutte, dont il faut chaque
fois rechercher les formes spécifiques, entre le nouvel entrant qui essaie de
faire sauter les verrous du droit d’entrée et le dominant qui essaie de
défendre le monopole et d’exclure la concurrence (Bourdieu [1984]2002 : 113).
Ainsi, Bourdieu avance pour dire que, « pour qu’un
champ marche, il faut qu’il y ait des enjeux et des gens prêts à jouer le jeu,
dotés de l’habitus impliquant la connaissance des lois immanentes du jeu, des
enjeux, etc. » (Bourdieu [1984]2002 : 114). Ce qui signifie que « les
luttes dont le champ est le lieu ont pour enjeu le monopole de la violence
légitime (autorité spécifique) qui est caractéristique du champ considéré, c’est-à-dire,
en définitive, la conservation de la structure de la distribution du capital »
(Bourdieu [1984]2002 : 114). Ces quelques lignes nous permettent de
conclure que le phénomène de kidnapping,
surtout dans la société haïtienne, n’est pas uniquement l’apanage des gens de
niveau économique précaire. Car, des gens aisés peuvent, eux aussi, se livrer
au kidnapping en vue de garder leurs
positions au sein d’un champ ou du moins en vue d’empêcher ou de décourager de
nouveaux entrants. À cela s’ajoute le kidnapping
à base vengeance. Cette réflexion est valable aussi pour d’autres champs comme
celui de la politique, etc.
En gros, cette courte analyse nous permet de voir la
complexité du phénomène de kidnapping
au sein de la société haïtienne. Les acteurs de ces crimes sont éminemment
difficiles à identifier, contrairement à ce qu’on pourrait prétendre. En ce
sens, vue la complexité du phénomène, son explication et/ou sa compréhension ne
devrait pas être laissée aux seuls « journalistes ambigus » qui, généralement,
ont un pied dans la science et un autre dans l'objet de la science », pour
utiliser les mots du sociologue français Pierre Bourdieu[22]
(1988). Car, généralement, en Haïti, la grande majorité de gens qui se font appeler
journalistes et/ou directeurs d’opinions ne sont autres que des « savants
apparents qui se servent de l'apparence de science qu'ils savent exhiber, pour
intervenir, au nom de la science, dans la réalité qu'ils feignent d'analyser ».
Pour lutter contre cette dérive,
« les intellectuels devraient lutter collectivement pour se réapproprier la
propriété de leurs instruments de diffusion : c’est-à-dire le contrôle des
moyens d’expression comme le livre, le journal, la radio et la
télévision » (Bourdieu, 1999).
Dans la partie qui suit, sans prétendre l’exhaustivité, nous
allons cesser de présenter le kidnappeur comme une victime pour ensuite voir
les dommages que peuvent causer leurs actes. Car, le crime comme l’aurait dit Cusson
(Cusson [1942]1989), « c’est d’abord un dommage causé. C’est ce que la
victime ressent intensément. C’est aussi ce que ressentent les témoins du
crimes » (Cusson [1942]1989 : 31).
Quelques
conséquences du kidnapping
Le kidnapping,
contrairement peut-être à ce que pourraient penser les « kidnappeurs »,
n’est pas sans conséquences sur la victime ou les proches de la victime. En
effet, selon Cusson (Cusson, [1942] 1989), face à un crime grave, le sentiment
qui domine chez une victime, « c’est l’impuissance et l’impression d’avoir
perdu la liberté » (Cusson [1942]1989 : 33). C’est-à-dire « impuissance
au moment du hold-up ou du viol parce
que, devant un assaillant armé et qui semble déterminé à tuer pour arriver à
ses fins, il n’y a rien à faire que d’accepter l’humiliante soumission »
(Cusson [1942]1989 : 33).
Sur ce, Ibrahim et Mukhtar (2017) signale que quel que
soit le type de l’enlèvement et le motif de sa perpétration, l’impact
psychologique et financier de cet acte peut être très dévastateur, tant pour les
victimes que pour les proches de la victime.
Irrespective
of the type of kidnapping and the motive for its perpetration, the psychological
and financial impact of the problem can be quite devastating, both for the
victims and their significant others.[…] Apart from psychological trauma on the
victim and the victim’s family, as well as physiological implications,
kidnapping is also accompanied with huge economic or financial implications (Ibrahim
& Mukhtar, 2017: 140).
Uzochukru (2018), quant à lui, note que les effets
psychologiques du kidnapping sont
énormes, en particulier pour les enfants et les femmes. Selon lui, après un kidnapping, dépression, anxiété et Trouble
Post-Traumatique (SSPT) peuvent durer une éternité chez la victime.
The
negative psychological effects of being kidnapped are huge, especially for
children and women. Depression,
anxiety, Post Traumatic Disorder (PTSD) may last a lifetime (Uzochukru, 2018 cité par E. Agnes et al. 2018: 96).
Aux dires de Cusson ([1942]1989), souligne de multiples
contraintes auxquelles peuvent faire
face une victime après un drame tant du point de vue économique que de la
liberté de mouvement. Selon lui, après un drame, de grands changements se sont
opérés dans la vie de certaine victime. Celle-ci développe une psychose de peur
et se sent misérable. Lisons ce long paragraphe de l’auteur :
Une fois le drame est terminé, la vie de certaine victime
change. Hanté par la peur, elles s’entourent de précautions pour éviter de
subir de nouveau une telle expérience. Elles cessent de se déplacer seules. […]
Certains ont l’impression d’être traquées, elles changent de numéro de
téléphone, déménagent, ferment leur commerce. Elles deviennent méfiantes,
fermées. Ces multiples contraintes coutent chers, non seulement en argent, mais
aussi en termes de liberté de mouvement. On ne fait plus ce qu’on veut. La
vie n’est plus aussi facile, aussi détendue qu’autrefois (Cusson [1942]1989 : 33-34).
Inyan et Abraham (2013 : 535) vont dans le même sens
que les auteurs précédents. Selon eux, le kidnapping
a des impacts économiques, sociaux et même psychologiques sur les victimes. Les
conséquences économiques du kidnapping
peuvent être directes ou indirectes. Au niveau individuel, le coût comprend la
valeur économique versée aux ravisseurs qui peut être considérée comme un
gaspillage tandis que le coût économique indirect comprend les dépenses de
mesures préventives, telles que l’emploi de personnel de sécurité privée. Le kidnapping, à leurs avis, affecte la vie
sociale et les relations sociales de nombreuses personnes qui sont obligées de
rester chez elles du crépuscule à l’aube, de peur d’être kidnappé. D’autant
plus, beaucoup de gens ont peur d’acheter ou utiliser de nouveaux véhicules à
moteur afin de diminuer les risques de se faire kidnapper. Donc, le kidnapping prive les gens de leur
liberté. Il les terrorise. Les auteurs affirment ainsi :
The
economic effects of kidnapping include direct and indirect costs. At the
individual level, the costs include the economic value of money that may be
lost to kidnappers, while the indirect economic cost of kidnapping include expenditures
on preventive measures, such as the employment of private security
personnel.[…] Kidnapping affects the social life and social relations of many
people who are held hostages in their homes from dusk to dawn, for the fear of
being kidnapped. As a result of kidnapping, night travel has become a high risk
venture. Furthermore, many people have been forced out of their newly completed
houses by kidnappers. People are compelled to present an unfinished look of
poverty by not painting the external walls of their houses. Many people are
afraid to buy or use new motor vehicles for the fear of kidnappers (Inyan
& Abraham, 2013: 535).
D’autant plus, les co-auteurs sont d’avis qu’en matière
de relations interpersonnelles, le kidnapping entraine un niveau de méfiance
relativement élevé entre les personnes. Les
co-auteurs s’expliquent de la manière suivante :
« In
regards to inter-personal relationship, kidnapping has also contributed to a
relatively high level of mistrust among people » (Inyan
& Abraham, 2013: 536).
Aussi, les victimes sont susceptibles de contracter des
Maladies Sexuellement Transmissibles (MTS). Dans la société haïtienne et dans
bien d’autres sociétés, généralement le kidnapping peut coûter la vie de la victime surtout si la
victime connaît le « kidnappeur » ou si les proches de la victime
refusent de payer la rançon. Parfois, le
kidnapping peut même coûter la vie
des proches de la victime, surtout quand les proches qui apportent la rançon
sont connues par le « kidnappeur ».
Toujours en termes de conséquence, dans le cadre d’un
pays comme Haïti, le kidnapping peut intensifier
les mauvaises images que l’on a toujours faites d’elle lors qu’on sait que depuis
1986, ce pays est présenté dans la presse internationale et dans le rapport de
certaines organisations « comme l’un des pays les plus dangereux du
monde » (Doré, 2014 : 332). Aussi, « avec la détérioration des indicateurs
économiques et sociaux, les Haïtiens sont perçus par certains yeux destructeurs
comme une masse d’affamés déshumanisés qu’il faut durablement assister » (Doré,
2014 : 332). L’économiste Enomy
Germain, quant à lui, note que le phénomène de kidnapping qui s’abat sur Haïti aura de lourdes conséquences sur l’économie
nationale qui, elle, est déjà en « lambeau » (Germain cité par Noël,
2020). Selon le constat de l’auteur, si le kidnapping
continue sur le même rythme, il « pourrait avoir beaucoup plus de
conséquences sur l’économie nationale que les semaines de ‘’peyi lòk’’ (Germain
cité par Noël, 2020). Germain avance que « le phénomène de kidnapping[23]
affecte le secteur du service, de la restauration, de l’hôtellerie, donc le
tourisme » (sic) (Germain cité par Noël, 2020). D’autant plus, le kidnapping entrave les investissements
étrangers.
Conclusion
Cette lecture non exhaustive que nous venons de faire du kidnapping en Haïti prouve combien est complexe
le phénomène. Autrement dit, quiconque aborde ce sujet ainsi que la nouvelle
configuration qu’il prend au sein de la société haïtienne, doit tenir compte
d’une multiplicité de facteurs. Comme nous l’avons sus-mentionné, les causes du
kidnapping en Haïti sont avant tout
sociales. Donc, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ceux qu’on appelle
les « kidnappeurs », sont généralement des victimes d’un système corrompu
et mafieux qui tente de les mettre en quarantaine. Ainsi, les actes de kidnapping peuvent être interprétés
comme une réponse à leur exclusion. C’est-à-dire les « kidnappeurs »
ne sont pas passifs vis-à-vis de leur déni, de leur exclusion. Ils cherchent à
contourner les normes en vue d’améliorer leurs conditions de vie. Donc, penser
qu’on peut supprimer le kidnapping en
votant des lois drastiques, c’est justement prendre les symptômes pour la
maladie. C’est comme penser qu’en ôtant le ventre, comme dit l’autre, on peut parvenir
à supprimer la faim. D’ailleurs, comme nous venons de le montrer tout au long
de notre analyse, en tant que phénomène social normal, c’est-à-dire présent
dans presque toutes les sociétés, on ne peut pas arriver à une suppression
totale du kidnapping. On peut arriver
à le réduire, mais pas à le supprimer, comme certains directeurs d’opinions ainsi
que certains législateurs, beaucoup plus moralistes que scientifiques, veulent
le faire croire. Que la société haïtienne cesse d’être une société du mépris, dans la logique d’Axel Honneth du terme. Que la
société haïtienne devienne une société où les inégalités et les différences sont
activement neutralisées ! Que la société haïtienne devienne une société des égaux , dans le sens de Pierre Rosanvallon du terme. Et, chose
curieuse, même dans cette société des
égaux, il y aura toujours des gens qui enfreindront la loi. Pour que la
société haïtienne devienne une société
des égaux, il faut un autre système. Ce système dont nous parlons n’est pas
du tout utopique. Comme l’aurait dit Claude Henri de Saint-Simon, à propos de
la réorganisation de la société française, « pour remettre la société à
l’endroit, il ne faut pas faire une révolution qui remplacerait des hommes par
d’autres hommes, afin d’occuper des places dans une structure sociale demeurée
identique ». Mais, « il faut un
système pour remplacer un système[24] ».
Car, dit Saint-Simon, « l’illusion en politique consiste à agir sur ce qui
se voit, le changement des hommes par exemple ». Donc, « pour
s’extraire de cette illusion, il faut ‘’voir loin’’ et changer de point de vue
sur la conjoncture présente en l’insérant dans l’histoire ». Ainsi,
conclut l’auteur, « il n’y a donc aucune utopie dans la promesse du
changement de système social » (Saint-Simon, cité par Musso, 2008 : 2).
On ne saurait terminer l’article sans apporter une petite
précision. Contrairement à ce qu’on pourrait s’attendre, le sociologue n’est
pas là pour donner des solutions miracles. Donc, contrairement aux autres
disciplines, la sociologie n’a pas pour but de prescrire, mais plutôt de
décrire la logique de fonctionnement du monde social. Bref, « si le
sociologue a un rôle, ce serait plutôt de donner des armes que de donner des
leçons (Bourdieu, [1984] 2002 : 95).
Mozart
SAINT FLEUR, Sociologue
©All
Rights Reserved
saintfleur57@gmail.com
Port-au-Prince, 6 avril 2020
[1]
Entretiens de Pierre Bourdieu avec Roger Chartier réalisés dans le cadre d’une
série d’émissions sur France-Culture en 1998 et cités par Harang (2010).
[2] La
traduction de ces passages est de nous.
[3]
L’italique est de nous.
[4] En guise d’exemple, l’auteur cite
« le cas du père Yves Caroff, le missionnaire français enlevé à Cotabato
en avril 1991, douze fusils étaient réclamés en plus des deux millions de pesos
de rançon » (Baffie, 1998 : 118).
[5] Selon ce que rapporte Baffie
(1998), « en Tchétchénie, tous les occidentaux sont menacés. La Colombie a
mérité le titre de "capitale mondiale du kidnapping" et, selon les
années, le Mexique connaît, lui, un à deux kidnappings par jour. En Asie, on
cite des cas en Corée du Sud, à Taiwan, en Indonésie et en Thaïlande. Mais, en
Asie, le pays le plus touché est, sans conteste, les Philippines. Manille a
même été surnommé "la capitale asiatique du kidnapping" (Baffie,
1998 : 112).
[6] Les
italiques sont de nous.
[7]
L’italique est de nous.
[8] Le
sigle est de nous.
[9]
L’auteur parle tantôt de kidnapping tantôt d’enlèvement.
[10]http://www.fordi9.com/Pages/AffaireKnox.html.
Consulté le 1 avril 2020.
[11]http://www.fordi9.com/Pages/AffaireKnox.html.
Consulté le 1 avril 2020.
[12] L’italique est de nous.
[13]
L’italique est de l’auteur.
[14] “Consequently,
when the transportation or confinement of the person is done for an unlawful
purpose, such as for ransom or for the purpose of committing another crime, the
act becomes criminal” (O, 2017: 2).
[15]
L’italique est de l’auteur.
[16] Ces
deux hommes ont dirigé le pays de mars 2004 à mai 2006.
[17] Nous
entendons ici par jeunesse, le passage de l’enfance à l’âge adulte.
[18]
L’habitus, selon Bourdieu ([1984]2002), est « un système de dispositions
acquises par l’apprentissage implicite ou explicite qui fonctionne comme un
système de schèmes générateurs, est générateur de stratégies qui peuvent être objectivement
conformes aux intérêts objectifs de leurs acteurs sans avoir été expressément conçue
à cette fin » ([1984]2002 : 119-120).
[19] https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview, consulté le 27 mars 2020.
[20] Par exemple, la ville de Port-au-Prince « devait accueillir 150 000
habitants, elle en comptait pourtant 715 000 en 1980,1 500 000 en 1988 et 2 274
000 en 1996.1 500 000 vivent dans des bidonvilles, soit sur 22% de l’espace urbain »
(Hurbon, 2012 cité par Nessi, 2018 : 3). Nessi (2018) avance pour dire que
« cette enflure démographique ne trouve pas sa justification dans le post-
séisme du 12 janvier 2010, elle s’explique plutôt par les effets conjugués des
vulnérabilités environnementales et d’une crise d’adaptation d’Haïti à
l’économie tournée davantage vers l’extraversion par la production de biens
destinés à l’exportation et l’ouverture de son marché aux produits nord-américains
et dominicains (Nessi, 2018 : 4-5).
[21] Pour
illustrer ces propos, Baffie nous dit qu’« en mars 1978, la police
philippine avait mis la main sur un "chercheur" nommé Jonathan Tan,
qui, pour le compte d'une de ces sociétés criminelles de Hong Kong, avait
constitué une liste de 300 hommes d'affaires chinois des villes de Manille,
Cebu et Davao » (Anonyme 1980, 16, cité par Baffie, 1998 : 114).
[22] Ces
mots ont été utilisés par Bourdieu pour expliquer la quotidienneté politique
que des pseudo-scientifiques veulent prendre d’assaut.
[23] L’italique est
de nous.
[24] L’italique est
de l’auteur.
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